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Yandé, mécanicienne automobile : la passion est son carburant face aux stéréotypes

Longtemps confinées dans les maisons sous prétexte qu’elles ne sont pas faites pour exercer les métiers « jugés difficiles », les femmes sont aujourd’hui nombreuses à casser les codes jadis établis par la société sénégalaise. Désormais, les intentions sont claires. Travailler pour la passion quelles que soient les exigences du métier, mais aussi pour l’égalité professionnelle malgré les incommodités. Comme dans la mécanique auto de plus en plus investie par les femmes.

« Je n’ai jamais imaginé faire de la mécanique auto dans ma vie. C’est mon père qui m’a orientée vers ce métier », se remémore Yandé Mboup. Vêtue d’un t-shirt rouge, floqué du garage (Femme Auto), elle est assise dans un pick-up de couleur bleu, munie d’un carnet et d’un stylo. Elle fait le point des pièces à acheter pour la réparation des voitures. Dans ce garage, composé majoritairement d’hommes, tout le monde l’admire, et réciproquement. Elle est l’une des femmes mécaniciennes qui travaillent dans cet atelier, comme le confirme le chef du garage, qui surveille le travail de ses congénères. Comme l’appétit vient en mangeant, Yandé a fini par aimer ce métier, d’habitude réservé aux hommes. « Après l’obtention de mon diplôme en 2013 au Centre de formation professionnelle et technique (CFPT) de Mbacké, j’ai décidé de venir à Dakar pour effectuer mon stage dans ce garage. Depuis, je ne suis jamais partie. » Entre préjugés et regards désobligeants, cela fait maintenant dix ans qu’elle répare, inlassablement, les moteurs usés des voitures. La passion rien que la passion Le métier de la mécanique, elle l’a vu évoluer au fil des années, tout comme ses collègues. « Actuellement, il y a beaucoup de jeunes filles qui s’intéressent à la mécanique. Ce qui n’était pas le cas auparavant. En plus, les regards ont changé maintenant et les gens ont compris », remarque-t-elle regard fixé sur son cahier. « Au début, avec nos habillements, on se moquait de nous, mais puisque qu’il y a beaucoup de femmes mécaniciennes maintenant, ça ne choque plus.» L’enthousiasme de la mécanicienne et mère de deux enfants, qui se dit « passionnée » par son métier, ne semble pas fléchir. « Dans la vie, si on n’aime pas ce qu’on fait, on peut rapidement laisser tomber. C’est un métier difficile certes, mais on est obligé de s’adapter. D’autant plus que c’est nous qui avons appelé à la parité », ajoute-t-elle. L’émancipation des femmes dans ce milieu a prouvé au fil du temps que tous les métiers se valent. En s’orientant dans des domaines jadis réservés aux garçons comme la mécanique, les femmes montrent leur capacité à égaler les hommes ainsi que leur savoir-faire sur le plan technique et intellectuel. Des préjugés sexistes Au milieu des voitures éparpillées un peu partout à la devanture, comme à l’intérieur de l’atelier, Yandé multiplie les va-et-vient incessants, sous le regard bienveillant du chef de garage. Elle est la réceptionniste de l’atelier. Au-delà de son statut de mécanicienne, elle joue le rôle d’intermédiaire entre l’administration et ses camarades. « L’évolution des femmes dans ce métier est réel. Et c’est vrai qu’on a connu plus d’hommes dans le métier, mais cela ne fait pas d’eux les plus intelligents. Parfois les femmes sont mieux outillées que les hommes techniquement et intellectuellement», remarque Cheikh Diouf, le chef du garage. Autrefois présentées comme « incapables » de faire des activités, nécessitant beaucoup d’effort, les femmes sont maintenant enclines à faire des travaux qui, au regard de la société, sont incompatibles avec leur état physique. Des préjugés que les hommes du garage trouvent sexistes. Toutefois, ils admettent les exigences du métier. La galanterie dans le travail Trouvée en pleine activité, Aliou Mbaye et son collègue s’affairent aux derniers réglages d’un véhicule. Vêtu d’un t-shirt rouge dont il est difficile de reconnaitre la couleur à cause de la noirceur, Aliou, tout comme ses confrères récusent avec véhémence l’idée que la mécanique n’est pas faite pour la gent féminine. « Ici, nous ne faisons pas la différence entre hommes et femmes concernant les tâches à accomplir. Mais j’avoue que sur le plan physique, il y a vraiment un fossé. Souvent les femmes font appel à nous pour les aider sur certains exercices surtout ceux qui nécessitent plus de force », dit le jeune mécanicien. « Vous savez dans un milieu où ils sont majoritaires, les hommes ont tendance à plutôt être galants et c’est ça qui fait que nous répartissons les tâches selon la capacité physique des uns et des autres », ajoute le chef du garage sur un ton goguenard. Pendant que les blagues fusent de partout, Yandé, elle, s’apprête à regagner l’intérieur du garage. Il est presque 14 heures et c’est bientôt l’heure de la pause. Un mari compréhensif Malgré son amour inconditionnel pour son métier, cette mère de famille éprouve une certaine difficulté sur sa capacité à allier le travail et son rôle d’épouse et de mère de famille. « Il est très difficile de gérer les deux en même temps. Déjà, mon mari m’attend à la maison et je dois m’occuper de lui. Parfois, j’arrive tard dans la nuit à cause des embouteillages. Heureusement qu’il me comprend », confie la jeune maman. Une chose est sûre : ce qui plaît à Yandé, dans son métier malgré les stéréotypes, n’a pas changé au fil des années, à ses yeux « seule la passion compte, quels que soient les obstacles ». Cheikh NDIAYE

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