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Rose Wardini, la « Mère Thérésa » qui vise la présidence de la République

C'est l'une des deux candidates à la prochaine élection présidentielle au Sénégal. Rose Wardini, souvent confondue avec sa sœur Soham Wardini, l’ancienne maire de Dakar et la seule à avoir occupé cette fonction en tant que femme. À la tête de son mouvement « Sénégal nouveau », Rose ambitionne de mener le pays vers une nouvelle ère.

 Assise au milieu d'une assemblée au dernier étage de son complexe Sea Side, dans un cadre chic et détendu, Rose Wardini, tout de noir vêtue dans ce décor tout en blanc, est à fond dans les discussions en vue de la préparation de la prochaine campagne électorale. Aux premiers abords, dur d'effacer de ses traits son sourire presque espiègle. « Je suis une pure Sénégalaise » dit-elle. « Ma mère, Soukeyna Gueye, est apparentée à la famille de Serigne Touba et El Hadj Malick Sy », une précision faite dès l’entame de notre entrevue.

Dans cet endroit convivial, en face de la mer, se dégage une bonne humidité accentuée par les nombreux eucalyptus en face. Démarche lente, Rose, ou « Doc » comme l’appellent ses proches, échange quelques amabilités avant de prendre place dans le calme et la quiétude de cette terrasse. 

Sur les réseaux sociaux, une seule question : comment a-t-elle fait pour valider son parrainage et surtout être candidate pour la présidentielle? « Mais je leur renvoie la balle », réagit-elle, arborant un sourire de satisfaction, avant de poursuivre : «  ce n'est pas une surprise que le Docteur Wardini puisse passer le parrainage. Depuis 2003, je suis constamment aux côtés des populations les plus défavorisées. J'initie des caravanes médicales qui fournissent des soins aux plus démunis, réalise des dépistages du cancer du col de l'utérus et effectue des millions de circoncisions. Je dis bien des millions ». 

Conseillère municipale en 2014

De nombreuses publications sur Facebook lui reconnaissent ses énormes efforts dans le social. D’ailleurs, certains aiment bien l’appeler « Mère Teresa ». D'autres, sur les plateaux télévisés, plus virulents et moqueurs, évoquent son aventure dans la politique en 2014. « Rose Wardini a terminé dernière aux élections locales à Kaolack ». Une expérience loin de la déstabiliser. « Mon parcours politique a débuté avec un poste de conseillère municipale à la mairie en 2014 », se rappelle-t-elle, toute sereine et déterminée.

 Enthousiaste, elle continue, levant le voile sur son CV. « Je suis gynécologue obstétricienne de profession. Je suis la présidente de l'ONG Médisol, une association qui s'engage principalement dans le social. En 2009, nous avons décidé, vu le parcours que nous avons fait, de créer le mouvement citoyen pour le développement du Sénégal,  devenu aujourd’hui notre parti politique « Sénégal Nouveau », pour venir en appui aux jeunes et aux femmes par rapport à des objectifs de développement. »

 Évoquant sa candidature, Rose Wardini affirme : «  j’ai choisi ma ville natale, à Kaolack pour annoncer ma candidature, car j’y crois, mais surtout, je me dis qu’il est grand temps de donner une chance aux femmes. » Elle poursuit, en s'interrogeant : « Pourquoi aujourd’hui ne pas essayer les femmes ? Nous avons eu affaire à quatre hommes et jusque-là, les choses semblaient aller de mal en pis. Alors brisons les tabous, dire qu’une femme ne peut pas diriger le pays, c'est se voiler la face ».  

 « De plus, poursuit-elle, les raisons qui m’ont poussée à me présenter à l’élection sont mon devoir citoyen, mon devoir de servir ma nation, qui m'a tout donné » , explique-t-elle avec conviction. Un nouveau challenge, cependant, elle compte essentiellement sur son expérience de 20 ans avec son mouvement, pour passer la prochaine étape.

 Sa campagne est  notamment basée sur un programme de développement inclusif qui met l'accent sur la création d'emplois, l'éducation de qualité, l'accès aux soins de santé et la promotion de l'entrepreneuriat. Elle croit fermement en la capacité du Sénégal à construire un meilleur avenir pour ses citoyens. « Quand je me lève pour affronter une chose, c’est pour gagner, j’ai eu des expériences avec lesquelles j’ai tantôt gagné, tantôt été candidate malheureuse, mais j’en ai tiré des leçons. Je suis tenace, généreuse et visionnaire comme ma mère ».

« Sincère et passionnée par son travail »

Par moment interrompu par des sollicitations ou des salamalecs, Rose lance subitement : « nous avons beaucoup d’axes prioritaires, tels que la  souveraineté dans le domaine alimentaire, une remise en forme du secteur sanitaire et la création d’emplois. Dès que nous aurons accédé à la magistrature suprême, le premier défi à relever, c'est de refaire le citoyen ». 

Elle explique par ailleurs que pour gagner cette élection, tout ce dont elle a besoin, c’est de se battre et avoir confiance comme elle l'a toujours fait. « Aujourd'hui, le leadership féminin est incontestable, il s’affirme partout ». Ainsi, le leader du parti  « le Sénégal Nouveau » n’hésitera pas à aller au contact des personnes pour les convaincre de son projet.

Mariée et mère de quatre enfants, la gynécologue obstétricienne est souvent confondue avec sa sœur Soham, l’ancienne maire de Dakar. « Je suis très fière d’elle. Ma sœur est sur le terrain politique depuis plus longtemps. Il paraît qu’il y a une petite ressemblance entre elle et moi, mais je sais qu’elle est plus belle que moi, elle a été élue Miss Sénégal en 1970 », dit-elle en rigolant. « Cependant, elle n’a eu beaucoup d’influence dans mon choix de faire de la politique. À la maison, on est sœurs, et sur le terrain politique, certes, on n'est pas vraiment adversaires, mais chacun fait sa politique à sa manière ».

En revanche, celle qui a influencé la vie de Rose, c’est sa mère. Alors qu’elle parle d’elle, des étincelles brillent dans ses yeux, alimentant une ferveur certaine dans sa prise de parole. « C'était une brave dame, elle était analphabète, mais elle a su comprendre très tôt qu’avec 11 enfants, l’éducation était la seule voie. C’est d’elle que j’ai pris cette fibre sociale ».

Née aux lendemains des indépendances à Latmingué, commune rurale de la région de Kaolack, d'un père d'origine libanaise, Rose Wardini a perdu son père, commerçant d'arachide, très tôt.  Sa famille a déménagé dans la ville de Kaolack où la jeune fille est allée au lycée Valdiodio Ndiaye. Elle a obtenu son baccalauréat en série scientifique et a poursuivi ses études. Munie d'un doctorat, elle retourne à Dakar en 1992 pour entamer sa spécialisation qu'elle achèvera avec succès sous la direction de son maître, le professeur Fadel Diédhiou, à la maternité de l’hôpital Aristide Le Dantec

Pour Rose, le « Sénégal nouveau » c'est une autre façon de voir, de penser et de faire, tout en mettant l’humain au cœur de son action. « Notre devise, c'est la justice, l’équité et la durabilité ».

Parlant  de sa famille, les Wardini, « c’est une famille connue, présente, c’est une famille qui a toujours servi cette nation, le Sénégal, notre nation. C'est une famille qui s’est beaucoup sacrifiée, tous ses membres ont toujours servi ce pays avec nos propres moyens. Je n’ai pas vraiment de liens avec la famille de mon père au Liban », affirme-elle.

De confession musulmane, la religion, dit-elle, occupe une part importante dans sa vie. Plongée au cœur de l'action associative, Rose Wardini a aussi occupé pendant une décennie la présidence de l'Association des gynécologues-obstétriciens du Sénégal (Asgo). Elle a également assumé la présidence de la Société africaine des gynécologues-obstétriciens, tout en remplissant le rôle de vice-présidente au sein de l'Union professionnelle internationale des gynécologues-obstétriciens.

À ces différents postes, l’un des événements qui l’ont le plus marquée est l’obtention, en 2002, de l’organisation, à Dakar, d’un congrès de l’Union professionnelle internationale des gynécologues-obstétriciens. Une première en Afrique, dont elle se sent fière.

Ousmane Badiane, coordonnateur du mouvement « Sénégal Nouveau », connait  Rose depuis plus d’une quinzaine d’années. Lorsqu'elle lui  a fait  part de son projet, il n’a pas hésité à la soutenir. « C’est une femme de conviction qui n'hésite pas à prendre position sur les questions de société. Très sensible aux enjeux environnementaux, elle milite pour une transition écologique du Sénégal, mais aussi  pour une remise en forme du système sanitaire au Sénégal », confie Ousmane. 

Louant l’esprit d’entrepreneuriat de son mentor, il déclare fièrement : « là où nous sommes, c'est un projet de tourisme médical unique en Afrique de l’Ouest qui comprend une clinique polyvalente, un centre de remise en forme avec balnéothérapie et c’est grâce à elle ». 

 

Publié

Je suis une journaliste polyvalente basée à Dakar, titulaire d'un diplôme en journalisme et communication CESTI, avec une expérience de près de quatre ans dans le domaine du journalisme. J'ai collaboré pendant près de deux ans en tant que fact-checkeuse à Africa Check, la première organisation indépendante de fact-checking en Afrique. Avant cela, j'ai travaillé pour divers journaux sénégalais, notamment le quotidien national, Le Soleil, ainsi que pour Enquête et Walfadjri, des médias privés locaux.

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