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Que cache le record de candidatures à l'élection présidentielle ?

Pour la première fois, 20 candidats sont en lice pour une élection présidentielle : un record. En 2019, ils n’étaient que cinq. Pourtant, il a été institué la loi sur le parrainage pour « filtrer » les candidats et faire barrage aux « candidatures fantaisistes » comme le dit une bonne partie de l’opinion. Seulement, il est constaté que cette loi n’a pas pu empêcher la floraison de candidatures pour l’élection présidentielle du 25 février 2024.

« Chacun veut être dirigeant et personne ne veut être dirigé », voici la raison qui explique, selon Badou Diop, le nombre record de candidats à l’élection présidentielle du 25 février 2024.

Enlevant ses gants pour bien tenir la cuillère et déguster son plat de yassa dans une gargote en face de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, ce conducteur de moto Jakarta profite d’une pause pour se restaurer et prendre une bonne tasse de thé.

Il a, comme nombre de citoyens, son avis sur les 20 candidats devant briguer les suffrages des Sénégalais. Il pointe du doigt la volonté à tout prix de diriger les autres et de s’estimer meilleur comme des raisons de ces candidatures multiples.

Comme lui, un groupe de jeunes filles, elles aussi prenant leurs repas, se prononcent sur le sujet. Fama, âgée de 22 ans et étudiante en management dans un institut supérieur privé de Dakar, estime que le nombre de candidats est trop élevé. « Ils ne pensent pas aux électeurs. Voyez le temps que ça prendra à chaque personne pour voter », se plaint-elle.

Pour ce groupe de jeunes filles, il faut juste voir l’appellation des candidats pour savoir qu’ils ne sont pas prêts à se ranger derrière un autre. « Président Sonko, Président Malick Gackou », dit Fama et elles se mettent toutes à énumérer en a riant « Présidente Anta Babacar, Président Amadou Bâ… »

De la figuration

Yatou Thiam, ancien président des artisans de Soumbédioune, trouve qu’il n’y a en réalité que « 5 à 7 candidats. Ils se connaissent et savent qui est réellement engagé pour gagner et qui ne l’est pas. »

Trouvé au Monument de la renaissance africaine en train de suivre un match de football projeté sur l’écran géant installé sur l’esplanade en cette période de Coupe d’Afrique des nations de football, Aly Tine, la quarantaine, buvant sa tasse de café Touba et mangeant des beignets, considère qu’il n’y a que « 3 ou 4 candidats sérieux parmi ces 20 ». Selon lui, « tout le reste ne font que de la figuration, mais savent pertinemment qu’ils n’ont aucune chance de remporter l’élection ».

Il est rejoint par la vendeuse assise à côté de lui et qui l’écoutait donner son point de vue. Elle se nomme Fatou Dieye et est venue vendre avec ses deux filles. Fatou considère que ce que recherche la plupart des candidats, c’est la notoriété et une position pour être en mesure de « négocier leur soutien en cas de second tour ».

Aly Tine ajoute, catégorique, qu’il y aura « beaucoup de transhumance avant la fin des élections et parmi ces 20 candidats, plusieurs seront ministres, députés ou directeurs généraux après l’élection car ils auront durant le processus, négocié avec les candidats les mieux placés ». 

Alors que chez certains, on se plaint du trop de candidats, chez d’autres, la vision est différente. C’est le cas chez Aboubacar Sy, étudiant en Histoire. Il considère que « dans une démocratie, les règles du jeu doivent être ouverts, surtout en matière électorale et permettre à toute personne remplissant les conditions fixées par la loi de participer à des élections ».

Pour lui, le nombre de candidats ne doit pas être vu comme une mauvaise chose, « c’est plutôt une bonne chose pour un État démocratique ».

La caution pour dissuader

Toutefois, Madame Fall, agent d’une banque de la capitale, pense que la démocratie ne doit pas être vue seulement comme une libéralisation du monde politique, mais elle doit mettre en place des règles et des contraintes pour éviter de l’anarchie.

C’est pourquoi il faut « augmenter la caution jusqu’à 60 millions de francs CFA et que cette somme ne soit pas remboursée », suggère-t-elle. La condition pour être candidat ne devrait pas uniquement se baser sur un dossier complet et le paiement d’une caution, mais plutôt sur « une légitimité politique, c’est-à-dire avoir une base politique, être connu et reconnu dans le milieu », dit-elle.

Publié

Je suis journaliste sénégalais diplômé du Cesti, spécialisé en presse écrite et numérique. Passionné d’écriture, je traite des sujets dans des domaines différents. J’ai remporté le Grand prix de la première édition de l’école d’été sur l’écriture et le journalisme (EEEJ) organisée par Jeune Afrique, la Fondation Vallet et l’ONG Bénin Excellence à Cotonou, en août 2023. J’ai effectué un stage au quotidien « Le Soleil » et j’ai fait de la pige pour TV5 Monde. Titulaire d’un Master en Sciences politiques, spécialisé en Relations Internationales obtenu à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, je suis aussi l’auteur d’un recueil de poèmes intitulé Fond de mental publié en 2018 et d’un Essai du nom de La Guerre des mondes, quand les identités nous séparent, publié aux éditions Les Impliqués en 2022.

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