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Saint-Louis : La famille présidentielle, atout ou handicap pour le parti au pouvoir ?

Qu’est-ce qui poussent les électeurs à choisir un candidat au détriment d’un autre ? Pour certains, le choix est basé sur les programmes, pour d’autres, l’appartenance familiale, ethnique, confrérique ou géographique motive le choix. Saint-Louis est, depuis l’accession du président Macky Sall au pouvoir en 2012, au cœur du pouvoir avec la première dame qui en est originaire et son petit-frère est ministre et maire de la ville en même temps. Pour certains, c’est une bonne chose pour la ville, mais d’autres disent ne pas ressentir ce fait.

C’est un secret de polichinelle. « Le fonctionnement de l’APR à Saint-Louis est une raison suffisante pour sanctionner le parti au pouvoir lors des prochaines élections. » C’est du moins l’avis d’une militante de la première heure. Fatou Seck, nom d’emprunt qu’elle a choisi elle-même pour garder l’anonymat, est épouse d’un conseiller municipal. Cette femme qui, grâce à son militantisme a obtenu un poste, estime que l’une des plus grandes faiblesses de l’APR à Saint-Louis, est la centralisation du parti autour des proches de Mansour Faye (beau-frère du président Macky Sall et ministre des Infrastructures, du Transport terrestre et du Désenclavement) et de la première dame Marième Faye Sall.

Les débats sur les déterminants du vote au Sénégal ont pendant longtemps mis en exergue la question de l’appartenance ou des affinités comme des facteurs qui motivent les choix des électeurs. Le « vote ethnique » ou le « vote confrérique » sont très souvent évoqués. Pour beaucoup de spécialistes, voter sur la base de l’appartenance ou de l’affinité ne peut être considéré comme irrationnel, dans la mesure où l’électeur a des attentes et compte les satisfaire à travers ce vote. On parle alors de la théorie du choix rationnel, qui est un ensemble d’idées apparues dans le domaine économique en vue d’expliquer comment les individus prennent des décisions visant la recherche du plus grand bénéfice au moindre coût.

"Il faut voter pour une personne que l'on connait"

Saint-Louis est une ville au cœur du magistère du président Macky Sall. La première dame y habite et son beau-frère en est le maire depuis 2014. De quoi motiver certains électeurs qui considèrent que c’est une aubaine pour la ville.

Modou Fall, habitant du quartier Nord, dans l’île de Saint-Louis, fait partie de ces soutiens du parti au pouvoir. Heureux hasard, le vieux d’âge avancé porte ce jour du 06 février un t-shirt blanc à l’effigie du président Macky Sall. Pour lui, la présence de la famille présidentielle à Saint-Louis « donne plus de garantie à la ville pour obtenir des fonds pour son développement. Il n’y a rien de plus normal que de soutenir une personne que vous connaissez », affirme-t-il.  

En cette matinée du même jour, ni la brise de mer encore moins la fraicheur du fleuve Sénégal ne parviennent à atténuer la chaleur intense qui sévit à Saint-Louis. Mais c’est mal connaitre les pêcheurs de Guet Ndar que de croire que ce climat peut ébranler leur moral. Chants, cris, rires, discussions, la berge du fleuve juste en face de l’hôpital régional vit au rythme des pagaies et des préparatifs pour affronter les vagues de l’océan Atlantique.

Des populations insatisfaites de la famille présidentielle

Iba Ndiaye, artiste et activiste observe le spectacle et ne manque pas de débattre avec les pêcheurs. Vêtu d’une tenue traditionnelle de couleur noire, l’homme au teint noir portant des lunettes est dans l’incompréhension : « La première dame habite Saint-Louis ? Elle a une Fondation, Servir le Sénégal, n’est-ce pas ? Qu’a-t-elle fait pour sa ville ?, demande-t-il. « Je ne dénigre personne, mais en tant qu’activiste je suis objectif », poursuit-il.

Traditionnellement, estime l’activiste, la Langue de barbarie est d’abord avec le gouvernement, mais si les populations remarquent des failles, elles prennent leurs responsabilités. Et pour dire vrai, confie-t-il, « les populations ont beaucoup de déceptions. »

Sous un abri, assis sur un banc, Mandiaye Wade, teint noir, de forte corpulence affiche d’emblée son opposition au régime en place. Sur sa perception de la famille présidentielle, il est sans détour : « C’est Mansour Faye qui a détruit Guet Ndar. Ce lieu où nous sommes abritait des mosquées, c’est lui qui a tout démoli. Ce seul fait est suffisant pour que je ne vote pas pour le parti au pouvoir. Il n’a rien fait pour nous et même au-delà de la langue de Barbarie, il a détérioré l’image de Saint-Louis. »

El Hadji Ibrahima Wade est un jeune étudiant de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Pour lui, la politique c’est de l’intérêt et Saint-Louis pouvait bien bénéficier de faveurs pour son développement en raison du lien qui existe entre lui et le président de la République. Malheureusement, regrette-t-il, on ne sent pas la différence avec les autres régions. Pour lui, la première dame ou encore son frère, le maire, ne pèsent pas trop alors qu’ils en ont les moyens. Raison pour laquelle, il estime qu’il est « bien possible qu’il y ait un vote sanction comme lors de l’élection législative passée. » 

Publié

Je suis journaliste sénégalais diplômé du Cesti, spécialisé en presse écrite et numérique. Passionné d’écriture, je traite des sujets dans des domaines différents. J’ai remporté le Grand prix de la première édition de l’école d’été sur l’écriture et le journalisme (EEEJ) organisée par Jeune Afrique, la Fondation Vallet et l’ONG Bénin Excellence à Cotonou, en août 2023. J’ai effectué un stage au quotidien « Le Soleil » et j’ai fait de la pige pour TV5 Monde. Titulaire d’un Master en Sciences politiques, spécialisé en Relations Internationales obtenu à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, je suis aussi l’auteur d’un recueil de poèmes intitulé Fond de mental publié en 2018 et d’un Essai du nom de La Guerre des mondes, quand les identités nous séparent, publié aux éditions Les Impliqués en 2022.

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