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Ancien fief des rebelles en Casamance, Diabir face au défi de la modernisation

Après l’accalmie notée dans la crise casamançaise (sud du Sénégal), des anciens villages comme Diabir, situé dans la périphérie de Ziguinchor, ont été rattachés à la commune centrale. Mais leur passé violent et douloureux du fait de la rébellion, a miné ces quartiers en termes d’infrastructures routières, sanitaires, hydrauliques et sportives.

C’est la croix et la bannière pour se rendre à Diabir. Dans les rues sablonneuses et cahoteuses du gigantesque quartier de Diabir, manguiers et anacardiers éclipsent les rayons du soleil pour donner un climat clément aux habitants et visiteurs de cette localité. L’enclavement dû au manque d’infrastructures notamment mine ce quartier, autrefois ancien village, fief de la rébellion casamançaise et aujourd’hui rattaché à la commune de Ziguinchor.

Les pages sombres dues au conflit appartiennent désormais au passé de cet ancien village où les premiers gendarmes furent tombés dans le déclenchement de la crise casamançaise. La vie et l’espoir pour le développement sont nés sur les champs d’accrochages entre l’Armée et les éléments du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance. Au terminus de la ligne 1 qui assure la desserte entre le quartier et le centre-ville de Ziguinchor, une dame nous indique la maison du chef de quartier. Une maison traversée de part et d’autres par de voie, signe des habitudes villageoises que garde encore cette localité.

Trouvé sur une chaise à l’ombre d’un manguier, Nansou Badiane, un vieil homme au commerce facile, se dit surpris de « notre méconnaissance de l’histoire » de Diabir. « Vous êtes de nationalité sénégalaise ? », nous lance-t-il, dans un fou-rire. Nous répondons par l’affirmatif. Il donne par la suite les raisons de ce retard infrastructurel noté dans ce quartier. M. Badiane affirme que la rébellion en Casamance a été un élément déterminant dans le sous-développement du quartier.

« Au début, personne n’a eu le  courage de venir habiter ici. C’est à la suite de la création, en 2007, de l’université Assane Seck de Ziguinchor que les gens ont commencé à occuper petit à petit les lieux », conte-t-il, entrecoupé par les salutations des passants. Il ajoute : « Le lotissement du quartier n’a commencé qu’en 2017 ou 2018 ». Lotissement qui n’est toujours pas effectif. En effet, après l’arrivée, en 2022, d’Ousmane Sonko à la tête de la mairie à l’issue lors des élections municipales, les activités de lotissement ont été suspendues pour des « raisons d’audit ».

« Le maire, Ousmane Sonko était là. Il a rencontré les notables du quartier et a décidé de suspendre le lotissement pour auditer le foncier. Malheureusement, depuis maintenant plusieurs mois, il est en prison», explique Abdou Sané, architecte de profession et notable du quartier. Mais malgré cette suspension, les populations continuent de construire.

Pas de routes, coupures récurrentes d’eau

Des constructions qui n’avancent pourtant pas à la vitesse souhaitée. D’après cet architecte, le manque d’infrastructures, notamment routières, plombe les efforts de construction dans les parties déjà loties, et freine le développement du quartier. L’entrée des camions dans le quartier relève d’un véritable parcours de combattants. D’où la réticence de certains camionneurs à entrer dans Diabir.

Aux abords de l’université Assane Seck, des chantiers poussent encore grâce au dévouement de certains maçons et propriétaires de terrains, malgré les coupures récurrentes d’eau. « On n'engage que les tricycles pour nous amener du béton et du sable. Mais il faut dire que la quantité qu’ils transportent est relativement faible », avance M. Sané.

Plan de développement pour Diabir

« Le lotissement est là. Maintenant, ce qu’on demande, ce sont des routes et des raccordements pour installer les adductions d’eau », plaide le chef de quartier, qui déplore le manque d’engagement des élus locaux et autorités étatiques pour le désenclavement et le développement de Diabir.

Ce jeudi 08 février, sous l’ombre clément des manguiers, une réunion du comité électoral communal de l’ex-Pastef de Ziguinchor regroupe militants et sympathisants de la coalition Diomaye 2024. À l’appel du coordonnateur communal Seydou Mandiang, des jeunes et femmes notamment ont massivement investi les lieux pour « faire triompher » le candidat d’Ousmane Sonko, Bassirou Diomaye Faye. Dans sa brève intervention, un responsable de la Jeunesse patriotique du Sénégal, section Ziguinchor a appelé plus d’organisation pour s’adapter au nouvel environnement face à l’interruption du processus électoral. Des femmes également, plus nombreuses, ont affiché leur adhésion à l’appel des « doyens » du parti.

À l’issue de la rencontre qui fait office de « campagne électorale silencieuse », le coordonnateur de la coalition Diomaye Président a abordé la question de la modernisation de Diabir. Pour Seydou Mandiang, le maire de Ziguinchor avait un véritable plan de modernisation de la commune de Ziguinchor mais du fait de ses déboires judiciaires, le patron de Pastef n’a pas pu concrétiser certains programmes.

«…Malheureusement, la commune de Ziguinchor s’agrandit. Et en s’agrandissant, les gens sont venus s’installer ici anarchiquement. Au début, il n’y avait même pas de lotissement. Le régime passé (avec le maire Abdoulaye Baldé, Ndlr) a initié un lotissement qu’il a un peu fait dans l’anarchie. C’est ce qui a plongé aujourd’hui Diabir dans certaines difficultés. Mais je crois que la mairie a initié un travail de régularisation de tout ce lotissement anarchique. Et aussi un autre travail d’implantation d’infrastructures sociales de base à Diabir, notamment une maternité, une école qui sont déjà sur place. Le lotissement est une façon de mettre des routes parce que cela fait que les maisons sont alignées et que les routes sont bien dégagées ».

À en croire le responsable politique de Pastef, le lotissement constitue un véritable pas vers la modernisation. « Si le lotissement est bien régularisé, je crois que c’est un bon début. Maintenant il faut le dire, on n’a pas laissé à notre maire le temps de travailler, on l’a poursuivi, on l’a toujours traqué, la justice est toujours à ses trousses. Depuis lors, il n’a pas eu le temps d’appliquer son programme à Ziguinchor. Mais nous ne perdons pas espoir. Nous pensons que tout cela va (bientôt) finir », conclut-il.

Même rengaine du côté de la coalition présidentielle. Interroger sur la question, Ansoumana Papis Diémé, responsable politique de Benno Bokk Yaakaar et maire de la commune de Moulomp juge indispensable dans le quartier la création et l’installation d’un certain nombre d’infrastructures.

«Il faudrait penser au lotissement et mettre en place des centres polyvalents pour rehausser un peu l'activité de la jeunesse, accompagner les femmes et ces jeunes, augmenter l'éclairage public, l'adduction d'eau potable. Diabir est un peu excentré. Ceci va faciliter un peu le déplacement de la population. Il faudrait aussi créer des activités génératrices de revenus, des marchés publics pour les femmes afin qu'elles puissent trouver sur place des produits dont elles ont besoin, créer des écoles pour pouvoir aider les populations qui ont besoin de s'épanouir sur le plan du développement,  s'épanouir aussi comme tous les autres jeunes de la région, du Sénégal. Cela fait partie des projets de la commune de Ziguinchor à travers le plan de développement local », préconise Ansoumana Papis Diémé.

En attendant que les promesses des candidats se concrétisent, Diabir a un réel besoin de modernisation pour devenir un quartier à part entière de la commune de Ziguinchor.

Publié

Je suis diplômé en journalisme et communication au CESTI. Passionné d'environnement, de sport notamment le football et de tout ce qui a trait avec la géopolitique, je travaille, depuis novembre 2022, au journal Le Quotidien.

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