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Canal 4 : La sécurité sanitaire dans le rouge

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Devenu un sérieux problème environnemental et sanitaire, le canal 4 inquiète les riverains et presse les autorités à l’action.

Lundi, aux abords de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, sous un ciel dégagé et ensoleillé,  Awa Ndoye a envie de prendre de l’air à quelques encablures de la corniche, non loin du marché Soumbédioune

Un endroit idéal pour une promenade vespérale qu’affectionne les jeunes dakarois. Seulement, à cette heure de la journée, Awa Ndoye, étudiante au lycée Maurice Delafosse a deux préoccupations : se décompresser et réparer une chaussure. A son arrivée chez un cordonnier en face de son école, elle est accueillie par une odeur étouffante. 

« L’odeur que dégage le canal 4 m’est insupportable. Mais je suis obligée de la subir. »  Son nouveau lycée jouxte le plus important conduit à ciel ouvert de Dakar. Elle est donc tous les jours exposée à l’odeur nauséabonde qui s’y dégage. A cette pollution olfactive indescriptible s’ajoute une pollution visuelle immonde. 

Riverains et passants se bouchent le nez

Déchets plastiques, excréta, pneus, terre souillée et noircie, eaux usées et verdies. Un amas de saletés traîné sur des kilomètres enlaidit les entrailles du conduit. Il y a 40 ans, ce décor était impensable pour Aissatou Diallo. La vendeuse d’arachides et d’eau fraîche a connu les années où le canal, créé dans les années 60, était souvent propre et sec : 

« Personne ne se plaignait à cette époque car il était entretenu. Je me souviens que les enfants jouaient à l’intérieur », explique-t-elle. Mais depuis quelques années, il est pollué. Depuis quelques années, l’odeur qu’il dégage perturbe la quiétude des riverains. Une véritable agression olfactive.

Comment en est-on arrivé là ? Nous avons posé la question au lieutenant Armand Seck du service national d’hygiène. « Le canal 4 a été créé pour recevoir et acheminer l’eau de pluie vers la mer. Ce qui fait qu’après l’hivernage, il redevenait propre et sec. Aujourd’hui, le constat est qu’il est en permanence couvert d’eau ». 

Et d’ajouter pointant la responsabilité des populations. « Il faut aussi préciser que certains riverains se permettent d’évacuer leurs eaux usées domestiques à travers des branchements clandestins. »   Le font-ils par manque d’information ou par incivisme ? « Les habitants confondent les canaux à ciel ouvert avec des égouts. Ils se permettent de se brancher directement au canal au lieu de se brancher à l’égout destiné au déversement mis en place par l’ONAS (Office national de l’assainissement du Sénégal, ndlr)», poursuit Armand Seck dans un désespoir qui se lit sur son visage. Le canal 4 est sale toute l’année et pollue la mer de ses déchets.      

A la saison des pluies, les branchements clandestins sont en partie à l’origine de plusieurs inondations : « Les eaux usées de ces branchements se mélangent à l’eau de pluie. Le canal se remplit alors trop vite et déborde. L’eau sale pénètre dans les maisons avec toutes les conséquences sanitaires que cela peut engendrer », éclaire le lieutenant Armand Seck. 

Cheikh Niang, technicien de l’ONAS fait savoir que son entreprise n’est pas insensible aux revendications des habitants : « Une fois par an, entre avril et mai, l’ONAS débarrasse des gravats, des saletés, afin de faciliter l’écoulement de l’eau de pluie ». 

Fondé en 1996, l’ONAS est chargé de l’exploitation et de la maintenance des installations d’assainissement d’eaux usées et pluviales comme le canal 4. Mais pour Pathé Djitté, employé à la mairie de Point E, l’intervention de l’ONAS lui semble insuffisante. 

« Un curage 3 fois dans l’année aurait été préférable. Ce qui aurait pu empêcher les habitants d’être assaillis par les moustiques. Alors que tout le monde sait que le paludisme fait des ravages ». 

En se basant sur les chiffres communiqués en 2022 par le programme national de lutte contre le paludisme (PNLP), on découvre que les cas de paludisme sont passés de 445.313 cas en 2020 à 536.850 cas en 2021. L’état de saleté du canal pose donc un sérieux problème de sécurité sanitaire.

Et si on fermait le canal ?

Face à cette situation, le lieutenant Armand Seck soutient : « Nous effectuons tous les 3 mois des séances de saupoudrage pour tuer les moustiques adultes. » S’agissant des branchements clandestins, le lieutenant Armand Seck dit appliquer en cas de récidives l’article L.17 de la loi n°83.71 du 5 juillet 1983 portant Code de l’Hygiène : 

« Les matières usées liquides doivent être éliminées par des systèmes d’assainissement. Les propriétaires d’immeubles sont tenus de brancher leurs installations sanitaires aux réseaux installés selon la distance réglementaire. » 

Ceux qui commettent une infraction risquent 2 mois à 2 ans de prison. A cela, s’ajoutent des amendes forfaitaires qui vont de 200.000 francs CFA à 2.000.000 francs CFA.  En attendant que ces sanctions fassent leur effet, le cadre de vie des habitants reste malpropre pour le plus grand malheur de Ibrahim Niang, habitant de Fass et tapissier de meubles depuis plus de 20 ans sur le canal. 

«Vendre des meubles dans un pareil endroit est pénible. Il faut qu’on ferme ce canal pour que les gens puissent respirer », suggère-t-il.  Fermer le canal, est-ce la solution ? Interrogé à ce sujet, Awa Ndoye, conseillère du maire de Gueule Tapée, Fass, Colobane et présidente de la commission étude et planification abonde dans le même sens : 

« Ce serait la meilleure chose à faire. Personne ne jetterait les ordures dans le canal. Mais elle ajoute un bémol : « Le canal à ciel ouvert est à la jonction de deux communes d’arrondissement : Fann, Point E, Amitié et Gueule Tapé, Fass, Colobane. La responsabilité appartient alors à la ville de Dakar. » 

Ce qui veut dire qu’en dépit de l’acte 3 de la décentralisation, rien ne peut se faire sans l’aval du maire de Dakar et sans l’appui de l’Etat. D’ailleurs, il a quelques mois, une partie du canal, située entre la zone B et le Point E, a été couverte. 

Est-elle l’œuvre de la ville de Dakar ? « Pas vraiment ! Si ce canal a été couvert, c’est parce qu’une banque, installée à proximité avait besoin de parking. Elle a donc négocié avec la ville de Dakar pour avoir le droit de l’installer. La mairie de Dakar a accepté la demande, mais c’est la banque qui a financé la fermeture de ce canal », révèle Awa Ndoye, conseillère du maire de Gueule Tapée. 

Si aucun projet de fermeture du canal 4 n’est encore prévu, le lieutenant Armand Seck informe de la création imminente d’une canalisation destinée à récupérer les eaux usées du canal 4 : « Il partira du front de terre jusqu’à Fann et traitera les eaux usées qui souillent la mer dans une future station d’épuration située entre la Médina et la Gueule-Tapée », conclut-il. 

Pour l’heure, les riverains supportent ou s’habituent malgré eux à l’odeur infecte du canal 4 à l’image de l’étudiante Awa Ndoye qui vit cette situation comme « un cauchemar au quotidien » ou Ahmed Cissé, vendeur de meubles. « C’est terrible, mais on n’a le choix » se prononce-t-il. Plus de 60 ans après sa création, le canal 4 est toujours dans un état déplorable. Il dégrade le cadre de vie et la santé des populations. Et ce jusqu’à quand ?

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