Awa Gackou, conductrice de camion : L'icône admirée de la Somiva
Au cœur des communes de Ndendory et de Hamady Ounare, l'exploitation des mines de phosphates par la Société de la vallée du fleuve suscite tensions et débats. En plein climat de controverse, Awa Gackou se démarque par son parcours exceptionnel, ayant réussi à s'imposer dans un domaine réservé aux hommes : la conduite de camions. Tout en jonglant avec les exigences de son métier, elle reste fidèle à ses valeurs familiales et à ses aspirations personnelles.
Dans les allées de l'usine d'extraction minière, on entend souvent prononcer le nom d'Awa avec déférence et admiration. Cette conductrice de camions s'est affirmée comme une véritable pionnière dans un domaine traditionnellement masculin. Dotée d'une détermination à toute épreuve et d'une passion inébranlable pour son métier, Awa a su surmonter les obstacles et les préjugés liés au genre pour s'élever au sommet de sa profession.
Celle qui a su gravir tous les échelons, a commencé à travailler dans l’usine en 2014 lorsque la Société d’études et de réalisation des phosphates de Matam (SERPM-SA) venait d’attribuer ses titres à la Société minière de la vallée du fleuve (Somiva) en tant que femme de ménage. Elle a aussi passée un an au niveau de la cuisine avant d’être formée plus tard à conduire les camions. Dans ce secteur, elle y a fait huit ans aujourd’hui.
Dans un environnement où il ne fait pas moins de quarante-cinq degrés, aggravés en grande partie par cette exploitation minière qui peut avoir comme conséquence : l’appauvrissement des sols, la déforestation, Awa Gackou, sur le volant de son camion, l’endroit où elle exprime le mieux « son indépendance », en train d’arroser ces champs de mines qui s’étendent à perte de vue, ne sente pas cette forte pollution induite par l’activité minière.
Ces journées de travail se déroule toujours de la même façon. Prenant service à partir de six heures du matin, elle revêt sa tenue de travail, une combinaison tricolore : bleue, orange et gris et suspend sa tenue civile dans la salle des pendus, puis se hisse derrière le volant de son camion qu’elle ne descendra qu’à dix-huit heures, sauf à quatorze heures, l’heure à laquelle elle interrompt son travail pour prendre son repas.
Pour devenir une conductrice de camion accomplie, Awa a dû convaincre, à travers ses compétences, même les plus sceptiques ayant une perception déjà figée sur la femme. « C’est vrai aussi que le travail n’est du tout facile, de surcroît avec une femme qui doit, outre la lourdeur des tâches, supporter le regard de certaines personnes croyant toujours que la femme n’a pas les capacités requises pour effectuer ce travail », fait-elle savoir. Sa force et la constance de ses efforts ont fini par inspirer plus d’un. En effet, l’entreprise minière compte actuellement six femmes qui conduisent des camions.
À première vue, Awa est une femme de teint clair, âgée d’une quarantaine d'années au visage encadré par des traits marqués par le soleil ardent et le dur labeur. Son regard intense et déterminé en dit long sur sa force intérieure et sa résilience face aux défis quotidiens. Mais derrière cette apparence robuste se cache une sensibilité et une humanité profonde.
Elle aura tout trouvé à la Somiva : du travail, de la formation et de…l’amour. En effet, cette mère de famille a rencontré ici celui qui sera le père de ses deux enfants de quatre et de six ans, son mari. « Mes débuts n’étaient pas faciles parce que j’ai subi beaucoup de discrimination à l’endroit des hommes mais le soutien de mon mari était très déterminant pour la suite de ma carrière sur les camions », dit-elle sous le regard affectueux de son mari, avant de poursuivre : « il m’encourage beaucoup et je peux dire sans me tromper que c’est l’une des choses qui me donnent la force de continuer. »
Son mari, Ibrahima Fofana, faisant partie de ceux qui l’ont formée à devenir conductrice, ne cache pas sa satisfaction sur sa femme. « Je l’ai connue grâce à ce travail. Donc mon rôle est de continuer de l’encourager à faire ce qu’elle aime. Parce que son amour du travail et sa détermination font partie des qualités qui m’ont séduit en elle », témoigne-t-il avant de confier : « mais malgré la difficulté du travail, elle remplit pleinement ses devoirs d’épouse. »
D’un père sénégalais et d’une mère congolaise, elle a dû arrêter ses études en classe de cinquième secondaire pour venir au Sénégal. « Je suis née en Centrafrique, je suis venue au Sénégal, ici à Ndendory précisément, à l’âge de 16 ans », informe-t-elle. Néanmoins, cette métisse n’entend pas continuer ce travail à long terme car, selon elle, ce métier l'empêche de s’occuper pleinement de sa famille comme elle le souhaiterait.
« Je pars de chez moi vers cinq heures du matin, une heure où mes enfants ne sont même pas encore réveillés, et je rentre qu’à dix-huit heures. Du coup, je passe moins de temps avec mes enfants. Quelque chose que je ne pense pas pouvoir continuer dans les années à venir ».