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Sur la route de Keur Massar, l'aménagement du paysage au détriment des marchands ambulants

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La vague de déguerpissements à Keur Massar Sud est suivie par un aménagement des places publiques. Dans cette commune, si cette mesure est saluée par les riverains et passagers qui jugent trop encombrante la présence de marchands ambulants, ces derniers dénoncent ces déguerpissements qui constituent un frein à leur activité économique.

 

Quelques semaines après les déguerpissements à Keur Massar Sud, les étals des commerçants ont laissé place à un jardin avec de petits cocotiers et du gazon. Dimanche, vers 18 heures et demie, la circulation reste fluide sur l'axe Keur Massar - Tivaouane Peul, à quelques kilomètres de l'autopont. En face de l'église Saint François d'Assise, le trottoir bien dégagé offre une verdure luxuriante au milieu de cet endroit, l'un des plus fréquentés de la ville. C'est aussi le moment pour beaucoup de fidèles de se rendre à l'église. Aux abords de ce lieu de culte, quelques mendiantes sont assises avec leurs enfants.

Tout près du mur de clôture de cette église, pas l'ombre de commerçants ou de leurs étals. De l'autre côté, des marchands ambulants portent des sacs et exposent leurs marchandises devant certaines boutiques. Malgré leur expulsion dans ce lieu, ces derniers, impuissants, ne comptent pas partir. Une peur permanente les anime à l'approche des agents de forte corpulence de la municipalité qui saisissent toute marchandise tout près du trottoir.

Si ces déguerpissements n'arrangent guère les commerçants, une jeune dame, ancienne locataire à Keur Massar, s’en réjouit : « C'est très bien aménagé, maintenant, on peut marcher en toute sécurité sans éviter en permanence les marchands ambulants. »

"Je suis déçu"

Sur la route très fréquentée de Tivaouane Peul, c'est l'effervescence en cette soirée de dimanche. Les clients et chauffeurs de minibus font la cour aux clients qui quittent le rond-point Keur Massar. À quelques mètres de là, une dizaine de marchands ambulants sont debout avec des chemises et autres vêtements sur leurs épaules. Une manière d'attirer l'attention de certains passants qui passent  aux marchandages pour disposer de ces habits à bas prix.

Tout le contraire de Mama Sow, un commerçant originaire de Diourbel, ce dernier a l'air découragé. Déguerpi à la marge de la Tabaski, l'homme âgé d'une trentaine d'années est en pleine concentration sur son téléphone en suivant le 8e de finale de l’Euro entre l'Espagne et la Géorgie. Il déplore un déguerpissement inédit et sans concertation : « On a dépensé beaucoup pour la Tabaski, on ne veut que travailler. Le commerce est notre principale source de revenus. Je ne peux pas me permettre de travailler dans les industries pour un salaire de 25 000 à 30 000 francs », se désole le père de famille pour qui l'avenir est incertain.

Une colère qui se manifeste également sur le visage de Abdourahmane Ba, un de ses amis installé tout près. Il déteste ces jardins. « On nous a déguerpis ici sans nous proposer un lieu où on pourrait continuer nos activités. Je gagnais ma vie ici sans mettre mes bagages sur le trottoir. Les déguerpissements ont toujours existé, mais cette intensité est sans précédent. On sait que c'est dérangeant de mettre ses tables sur le trottoir, mais avant ce déguerpissement, la mairie devait nous chercher un autre lieu puisque des centaines de personnes gagnent leur vie ici », explique l'ex pensionnaire du département d'arabe de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD). À l'en croire, le commerce est prépondérant au Sénégal et il ne compte pas travailler dans les industries pour un salaire de 50 000 francs.

Pour Abdourahmane, natif de Keur Massar Sud, il est contradictoire de voir que les autorités promettent de l'emploi aux jeunes et que ces déguerpissements ne feront qu'accroître le chômage. « Je suis déçu. Si les jeunes n'ont pas de travail, on peut voir du banditisme à grande échelle ou des manifestations inattendues », avertit-il tout en s'interrogeant sur l'utilité de cette place publique puisqu'avec la clôture, les riverains ne peuvent pas s'asseoir.

Bokar Sow réside à Keur Massar depuis 2021. Il remarque pour la première fois ces types d'aménagements dans cette ville et souhaite leur élargissement dans toute la commune. Puisque, se souvient-il, « cet endroit était très encombré et les arbres participaient à séquestrer les gaz carboniques s'échappant des pots d'échappement des véhicules. » En dépit de son satisfecit, M. Sow souhaite un suivi pour ce projet. Il regrette un manque de suivi qui bloque souvent ces genres d'actions.

Makhtar, un résident, se montre satisfait de ces aménagements : « Je ne passe pas souvent dans cet axe, mais je suis très content de voir ces aménagements. Ces genres de projets sont à encourager. Ces arbres sont d'une importance vitale »

Un vieux quinquagénaire qui préfère rester anonyme ajoute : « Je suis très content de ces aménagements. Autrefois, on ne pouvait même pas marcher tranquillement à cause de l'encombrement par certains commerçants. Maintenant, on marche tranquillement sans se soucier de cela. Je demande à la mairie de veiller au suivi parce que c'est souvent à ce niveau que ces genres de projets pèchent. »

La demeure de M. Bop fait face au jardin aménagé mais ce dernier se dit content d'être libéré de voleurs et autres personnes mal intentionnées qui fréquentaient la devanture de sa maison. Mais ce père de famille, habitant Keur Massar depuis treize ans, ne comprend pas la non-association des riverains. 

« On est les premiers à voir les dégradations qui vont se produire. En nous associant, cela réduirait les risques. Ils se sont précipités puisque, au début, les agents voulaient brancher leurs tuyaux dans mon robinet mais j'avais refusé parce qu'il devait y avoir une étude avant ce projet », souligne-t-il. Pour le quinquagénaire, cette zone est inondable, d'où son appel à un meilleur réseau de canalisation pour éviter les inondations : "D'habitude cette zone est facilement inondée en hivernage. Si on n'y prend pas garde, les premières pluies seront désastreuses."

Accusé de rendre propice les cas de vol par leur encombrement du trottoir, Mama blanchit ses collègues marchands ambulants. « Les gendarmes qui sont ici savent identifier les malfrats mais ils n'ont pas fait leur travail », s'étonne-t-il.

Pour l'instant, les agents de la Mairie de Keur Massar Sud continuent leur descente pour faire respecter aux marchands ambulants l'interdiction de se mettre sur le trottoir. Une action pas aussi simple vu que parfois, ils en viennent aux mains avec certains commerçants qui refusent la saisie de leur marchandise.

 Interrogés sur leur différend avec les commerçants, les agents municipaux de Keur Massar Sud refusent de se prononcer, de même que le maire Bilal Diatta qui n'a pas encore souhaité répondre à nos demandes d'interview.

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Publié

Je suis étudiant Licence 3 de Journalisme, option presse écrite. J'ai effectué récemment mon stage à l'Agence de presse sénégalaise (APS). J'ai fait des études de géographie à l'Ucad et je suis un passionné des questions environnementales et sociales.En partenariat avec le Cesti et l'Organisation Internationale de la Francophonie, j'ai couvert la récente élection présidentielle sénégalaise en tant que Jeunes Reporters Francophones (JRF). Deux ans auparavant, j'étais moniteur dans le projet Monitoring des médias sur les élections législatives au Sénégal avec CESTI et Gorée Institut.

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