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Les attentes des populations face à l'émigration irrégulière

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Le département de Rufisque a été, durant l’année 2023, le point de départ de plusieurs  candidats à l'émigration irrégulière. Ainsi, les populations résidentes de Bargny Guèdj et Thiawlène déclinent leurs attentes vis-à-vis de la prochaine élection présidentielle pour espérer la renaissance de leur terroir du point de vue économique.

Bargny-Guèdj est un village côtier situé à environ deux kilomètres à l’ouest de la route nationale traversant la commune de Bargny. Pour y aller, il faut un taxi clando ou une moto puis braver la route peu praticable. Quelques mètres après le terminus de la ligne 60, des maçons travaillent dans une mosquée dont les haut-parleurs émettent des chants religieux se mêlant au brouhaha qui règne autour, alors qu’il est 11h passées de quelques minutes. C’est eux qui nous indiquent le domicile du chef de quartier, Baye Mbaye Wade qui nous accordera plus tard la possibilité d’interroger les habitants. 

Mais une des particularités de Bargny-Guèdj, c’est le départ massif de ses jeunes. Dès l’entrée du quartier, une dame de teint clair, dans son « meulfeu » ne laissant apparaitre que son visage jovial, un sourire éclatant agrémenté par une dent argentée apparente ainsi que ses mains qu’elle use pour rendre la monnaie, tient sa table garnie de légumes de toutes couleurs. Elle s’appelle Mariètou Ndour et avoisine la cinquantaine. Mais derrière ce sourire rassurant, se cache le désarroi de la réputation de son quartier. 

Installée devant une boutique très fréquentée, cette femme fut transformatrice de produits halieutiques avant de se reconvertir en vendeuse de légumes il y a quelques années. « J’ai passé plusieurs années dans la transformation de produits halieutiques particulièrement le poisson fumé. Mais vers la fin, je vendais à perte », se rappelle-t-elle tout en échangeant des civilités avec les passants et clients qui l’acculent pour se presser d’aller préparer le repas du midi.

Cette perte dans son activité est due à la cherté des produits dont la fourniture est, ces dernières années, en baisse permanente selon les pêcheurs. De plus, elle s’est arrangée pour envoyer un de ses fils en Espagne. « Je me suis battu pour amasser l’argent du transport pour mon fils », renseigne celle que l’on appelle Ya Mariètou. Pourtant, elle explique que son autre fils, Thiambara, que nous avons voulu interroger, en vain, a tenté, par deux fois, l’aventure vers les côtes espagnoles. Malheureusement son rêve pour celui-ci ne s’est pas réalisé.

D’innombrables départs

Accéder à la plage tristement célèbre à cause des innombrables départs dans le cadre de l’émigration irrégulière n’est pas facile, surtout si l’on n’habite pas dans le coin. Il faut se faufiler entre les ruelles et maisons qui s’entremêlent et esquiver des arbres notamment les baobabs qui dominent les domiciles et qui servent de lieux de cultes pour la population locale, foncièrement léboue.

A la plage, s’il y a une chose qui attire l’attention à première vue, ce sont les conséquences de l’avancée de la mer qui a englouti une grande partie des constructions riveraines, qui, désormais, sont devenues des dépotoirs d’ordures exposant une variété de couleurs avec les déchets plastiques. Au loin, les pirogues sont suspendues dans un océan plutôt calme. Mais sur la terre ferme, le temps est clément avec la brise de mer qui souffle dans la zone.

Ainsi, une dizaine de pêcheurs y réparent les mailles trouées tout en chantonnant sous la supervision de quelques anciens et deux jeunes garçons qui servent le thé, chacun installé sous une tente appelée « Mbaarum Géj » en léboue. C’est sous  une « mbaarum Géj » que Daouda Sembène, un jeune pêcheur, ne mâche pas les mots quand il s’agit d’exposer les maux qui gangrènent son métier depuis quelques années.

«La pêche ne nourrit plus son homme », regrette-t-il. « C’est en grande partie lié à l’attribution des licences de pêche aux bateaux étrangers qui surexploitent nos ressources halieutiques. Cela handicape notre pêche artisanale. De fait, mes collègues deviennent des convoyeurs », explique l’homme au teint noir habillé en débardeur bleu assorti d’un pantalon en nylon taché de résidu de sel. Selon lui, c’est en partie le déclin de la pêche artisanale qui justifie « l’échec du régime en place ».

Un avenir radieux

Cependant, M. Sembène espère un avenir radieux avec le prochain régime pour retrouver un train de vie plutôt aisé. « Que le prochain président aide la population de Bargny en relançant la pêche artisanale ! En plus, je m’attends à ce qu’il facilite aux jeunes de notre localité l’accès à de différentes formations professionnelles, vu que le monde est en profonde mutation », argumente-t-il. 

Pourtant son souhait est partagé par Fatou Guèye, habitante de Thiawlène (Rufisque) à une dizaine de minutes de route de chez Marème et Daouda. Ce quartier vit dans un chagrin persistant depuis le  chavirement d’une pirogue, occasionnant la perte d’une dizaine de jeunes en quête d’un avenir meilleur avec, à bord, des joueurs de l’ASC Thiawlène.

En fait, l’étudiante, de teint clair, taille fine en robe rouge qui peine à trouver du travail, est reconvertie en entrepreneure. Ainsi, sur la rue traversant Thiawlène Digg, son quartier, au moment où la senteur du thébou-jeun embaume les ruelles de Tengueth, elle tient une boutique dans laquelle sont arrangés différents articles cosmétiques et ménagers. 

« J’ai entrepris mon propre business pour ne pas chômer », informe-t-elle avant de poursuivre : «  je prie le président victorieux de la prochaine élection d’assurer aux jeunes des emplois. C’est le seul moyen de palier à l'émigration irrégulière ».

Pourtant, d’après Assane Ndiaye dit Thiane, président du comité local des pêcheurs artisanaux de Bargny, les autorités municipales ont fait des efforts dans la sensibilisation contre cette entreprise périlleuse. Mais il reconnait l’insuffisance de cette approche. « Il faut que le prochain président de la République s’active au plus vite pour éradiquer ce fléau », prévient le vieux venu dans sa maison familiale pour les funérailles d'un proche. Ce jour malheureux ne l’a pas empêché d’élever le ton pour dénoncer les causes de l’aventure à Bargny-Guèdj. 

Conscients des défis auxquels ils feront face après l'élection présidentielle, les candidats ne manquent pas de solutions pour pallier à ces multiples départs des jeunes à la quete de vies meilleures. Après des jours de tententatives pour entrer en contact, Mbacké Seck, secrétaire national, chargé de l'organisation du parti Rewmi portant la candidature de Idrissa Seck, a réagi.

«Après plusieurs rencontres avec les migrants et des séjours dans les zones de départ, Idrissa Seck a des propositions alternatives au niveau national et international», rassure-t-il. Reste à savoir si son candidat sera retenu parmi ceux qui vont disputer le pouvoir exécutif le 25 février prochain. 

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Journaliste sénégalais titulaire du diplôme en journalisme et communication au Cesti, j'ai débuté ma carrière, en tant qu'étudiant, au quotidien Le Soleil, en 2022. Mes productions m'ont valu, cinq mois plus tard, de remporter le 3ème prix du meilleur reportage catégorie Étudiant, décerné par la Convention des jeunes reporters du Sénégal (CJRS). Je m'intéresse principalement à l'économie, à la culture, à l'environnement et au sport. Veuillez me suivre sur les réseaux sociaux.

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