Le sport pour freiner le décrochage scolaire

La question de la déperdition scolaire des garçons au profit des écoles de football préoccupe autant les parents d’élèves que les enseignants. Mame Mbaye Diarra, professeur certifié d’éducation physique et sportive au lycée Blaise Diagne, dit avoir connu des élèves qui ont quitté l’école en pleine année scolaire.

« Il m’est arrivé à 2 ou 3 reprises d’avoir des élèves qui ont commencé l’année scolaire et qui n’ont pas terminé. Quand j’ai demandé à leurs camarades, ils m’ont dit qu’ils sont allés rejoindre ces ‘’académies de football“ », renseigne M. Diarra, rencontré près de la salle des professeurs de l’établissement. « Malheureusement, un seul, à ma connaissance, a pu vraiment s’en sortir ». Ce dernier aurait obtenu un contrat avec un club au Danemark.

   Selon ce professeur d’EPS, habillé en tenue de sport,  il existe des académies qui ne le sont que de nom parce qu’il n’y a pas le sérieux qui devrait aller avec. « Normalement, dans une académie, il doit y avoir sport et études, mais il y en a qui négligent le coté étude », déplore-t-il du haut de son mètre quatre-vingts. Celui qui sert, depuis 2011, au lycée qui porte le nom du premier député noir à l’Assemblée nationale française préconise l’implantation d’établissements à vocation sport et études, au moins, dans chaque ville et que les meilleurs en sport soient sélectionnés comme ce qui se fait à Seed basket de Thiès. 

  « Le football est devenu très attractif, c’est un moyen de s’en sortir parmi tant d’autres », estime Alassane Bèye, assistant à la proviseure du lycée Blaise Diagne. D’après lui, les jeunes sont tentés par la réussite des footballeurs et les milliards de francs qu’ils gagnent. C’est ce qui explique que certains s’orientent vers le football au détriment des études. Pour y remédier, il pense que les écoles ou centres de football doivent revoir leurs heures d’entrainement. 

« C’est important, parce que les écoles de football s’entrainent généralement le matin alors que les élèves sont en classe », souligne Bèye, la cinquantaine sonnée, assis derrière la table de son bureau attenant à celui de la proviseure. A côté, se trouve le bureau de Mansour Lo, le censeur du lycée. Du point de vue de M. Lo, ce phénomène est très préoccupant. Promouvoir l’enseignement professionnel qui va permettre aux élèves de jumeler les cours au football, telle est sa piste de solution. 

L’insertion de ces jeunes qui se plantent dans leur carrière de footballeurs constitue une préoccupation d’Abdoulaye Fané, président de l’Association nationale des parents d’élèves et étudiants du Sénégal. Joint au téléphone, il estime que les parents et les autorités doivent encadrer et conseiller les jeunes en vue d’une orientation susceptible de leur offrir des opportunités d'emploi. Il rapporte par ailleurs que beaucoup de prétendants ont échoué parce que tout simplement ils n’ont pas bénéficié d’une formation professionnelle.

  Pour sa part, la Coalition des organisations en Synergie pour la défense de l’éducation publique (Cosydep) suggère le renforcement des disciplines sportives comme le football dans le milieu scoalire. « Pour nous, l’école ne doit pas être exclusivement scolaire mais doit être un secteur connecté entre les autres secteurs comme la formation professionnelle, le sport, la culture, l’industrie, le commerce », préconise au téléphone, Mamadou Ndiaye, responsable de la recherche et de la documentation de cette organisation non gouvernementale.

« L’école doit intégrer la promotion du sport, des sciences et de la culture », recommande-t-il avant d’ajouter que la réforme des programmes lancée par le gouvernement devrait permettre de régler cette question.