Sahel: L’ambition cachée des putschistes
Depuis leur arrivée au pouvoir au Mali, au Burkina Faso et en Guinée, les militaires peinent à organiser des élections pour le retour au pouvoir des civils et à l'ordre constitutionnel. Au contraire, ces militaires s'agrippent au pouvoir et dirigent ces Etats d'une main de fer.
Entre 2021 et 2022, la région ouest africaine a été le théâtre de prises de pouvoir par les militaires. Du Mali au Burkina Faso en passant par la Guinée, le sommet de ces Etats continue, aujourd’hui, d’être piloté par des colonels ou des généraux. Ces prises de pouvoir se justifient, pour certains par les agissements des groupes terroristes et pour d’autres, par la mal-gouvernance et la corruption qui gangrènent ces Nations. Quels que soient les motifs avancés, ce qui est vrai est que ces militaires continuent de s’agripper au pouvoir et cherchent même à se légitimer d’une manière ou d’une autre. Pourtant, au départ, leur mission était de remettre les pays dans les rails.
Depuis leur arrivée au pouvoir, les populations ont du mal à faire le distinguo entre leur magistère et celui des précédents, les civils démocratiquement élus. En effet, les problèmes restent les mêmes. Aucune avancée de grande envergure n’est notée. Pire, les libertés d’expression et de la presse sont restreintes sans raison valable.
En Guinée, plusieurs organes de presse ont fermé boutique sous la pression du régime militaire dirigé d’une main de fer par le Général Mamady Doumbouya qui les accuse, entre autres griefs, d’atteinte à la sûreté de l’Etat et de ne pas respecter l’article 6 du cahier de charges portant sur l’obligation de respect de la dignité de la personne humaine et les exigences de l’unité nationale et de l’ordre public. Tandis qu’au Mali et au Burkina Faso, ce sont les médias étrangers qui sont interdits d’antenne.
En fait, ces militaires semblent avoir oublié leur objectif de départ qui était de rendre les pays stables et d’œuvrer pour le retour à l’ordre constitutionnel. Car, ces régimes cherchent à s’éterniser au pouvoir en muselant les partis politiques et en gelant toute activité liée à la politique.
Au Mali, parmi les recommandations ressorties du dialogue inter-malien initié par la junte, figure la prolongation du mandat du gouvernement de Colonel Assimi Goita jusqu’en 2027. Alors que les militaires au Burkina Faso ont prolongé leur bail de 5 ans. Le Guinéen Mamady Doumbouya, de son côté, refuse de lâcher les rênes au profit des civils qui le taxent même de dictateur. Le grand paradoxe dans tout cela est que certains de ces dirigeants envisagent de se présenter aux futures présidentielles après la période de transition.
Malgré le temps qu’ils ont passé au pouvoir, pas grand-chose n’a bougé dans leurs pays. Les populations s’enfoncent davantage dans la pauvreté à cause des situations économiques difficiles. Ces régimes peinent à mettre en place des politiques durables dans le but de soulager les citoyens de la misère. Les rares politiques initiées sont peu performantes ou inefficaces.
Selon la Banque mondiale, en 2023, la croissance du PIB malienne est estimée à 1,8% tandis que l’inflation annuelle moyenne a augmenté pour atteindre 9,7% en 2022. Cette inflation galopante est due principalement à l’augmentation du coût des denrées alimentaires, une des difficultés majeures auxquelles les gouvernants n’ont pas pu apporter des solutions.
Sur le plan sécuritaire, les juntes sont confrontées à des problèmes de matériels militaires pour faire face aux mouvements terroristes qui continuent d’opérer surtout au Mali et au Burkina Faso. Les attaques djihadistes répétées ont provoqué des déplacements de population. Rien qu’au Burkina Faso, environ 2 millions de personnes déplacées internes ont été recensées, laissant leur village à la merci des terroristes sous le regard impuissant des militaires.
Après avoir sommé les troupes françaises de quitter leurs territoires, les juntes militaires au Mali et au Burkina Faso ont signé des accords avec le groupe paramilitaire russe Wagner pour lutter contre le terrorisme. La présence du groupe créé par Evgueni Prigojine dans ces deux pays semble ne pas porter ses fruits pour le moment car les groupes terroristes poursuivent régulièrement leurs attaques meurtrières. En outre, remplacer une force militaire étrangère par une autre (ce qui est d’ailleurs en contradiction avec leur idéologie souverainiste et indépendantiste) sans avoir le résultat escompté relève d’un pire échec.
Les trois nations dirigées par les juntes n’ont donc pas connu des avancées significatives. Leur situation socioéconomique est toujours catastrophique et les hommes au pouvoir ne proposent pas grand-chose pour améliorer les conditions de vie moroses des populations. Et les putschistes ambitionnent même de rester plus de temps au pouvoir en projetant même de participer aux prochaines élections présidentielles.