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La vente de livres par terre autour de l'Ucad, un business florissant

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La vente de livres n’est plus l’apanage des seuls libraires. Aujourd’hui, ces derniers se voient imposer une rude concurrence par les vendeurs de livres d’occasions. Les étudiants constituent leur principale cible.

 Installés le long des trottoirs, les livres, disposés sur des étals, parfois à même le sol. On les appelle librairies par terre. Ils foisonnent dans les rues de Dakar, particulièrement aux abords de l’université Cheikh Anta Diop. La présence en nombre des étudiants qui représentent de potentiels clients en fait un terreau fertile pour ce commerce. Juste au sortir du couloir de la mort, un premier vendeur s'installe.
 
On entend le vacarme des véhicules qui passent sur l’avenue en s’approchant de son emplacement. Il s’appelle Mohamed. De taille moyenne, la cinquantaine révolue, il est assis derrière ses livres, guettant le moindre client. Le soleil est au zénith, mais cela n’a pas l’air de l’inquiéter, l’habitude est passée par là.
 
Il pratique ce travail depuis bientôt 17 ans. Il est installé sur le petit bout de trottoir juste après la librairie Clairafique, entouré par d’autres détaillants. Les livres sont disposés à l’air libre sur deux tables d’à peine 20 cm de hauteur. On y trouve des livres de tout genre. Des classiques de la littérature, tout comme des livres moins célèbres, mais aussi des manuels de cours communément appelés fascicules.  
 
Mohamed se fournit au marché Sandaga situé non loin de là et parfois sur place. "La plupart du temps, j’achète mes livres chez les grossistes au marché Sandaga. Quand j’y vais, je sélectionne les livres qui me semblent les plus intéressants pour venir les exposer ici. Mais de temps en temps, ce sont les étudiants qui me revendent les livres qu’ils n’utilisent plus", dit-il.
 
 Un travail prisé
 
À quelques mètres de lui, en direction de Sham, quatre autres vendeurs faisant face à la paroisse universitaire de Saint-Dominique se font la concurrence.
 
Ici aussi, c’est le même décor, à quelques exceptions près. Le premier vendeur occupe presque tout le trottoir, laissant juste un petit espace pour laisser le passage à une personne. Impossible de manquer ses livres disposés par terre et sur des étalages adossés à un mur. Quelques étudiants s’arrêtent pour s’enquérir des prix avant de passer en promettant de revenir acheter la prochaine fois.
 
 Ce sont ces derniers qui ont amené Modou Fall, la quarantaine, à s’installer ici, il y a des années. Aujourd'hui, cet homme à la forte corpulence ne regrette pas du tout son choix, car les affaires marchent bien. « Je suis installé ici depuis des années et je ne me plains pas. Je reçois beaucoup de clients, principalement des étudiants. Ce sont d’ailleurs eux qui m’ont poussé à m’installer ici », avance-t-il. 
 
Cependant, il ajoute que tout le monde ne peut pas s’improviser vendeur de livres : « Notre activité demande beaucoup de travail et une connaissance des livres. N'est pas vendeur de livre qui veut. Chaque jour, il faut venir étaler et le soir tout ranger et mettre dans des cartons. Parfois aussi, certains clients te font juste parler et n’achètent jamais. Ça agace, mais il faut savoir garder ton sang-froid. » Avec l’expérience, il a appris à faire avec les difficultés du travail.
 
La particularité de ces librairies par terre, ce sont leurs livres bon marché. Les prix sont adaptés à toutes les bourses et dépendent le plus souvent de la qualité du livre ou du prix d’acquisition.
 
Des livres pour toutes les bourses
 
 Occupé à dépoussiérer ses livres étalés sur le sol, Malick, la trentaine révolue, chapeau sur la tête pour se protéger du chaud soleil, détaille les prix : « Il n’y a pas de prix fixe. Je négocie avec le client, si j’ai un petit bénéfice, je vends. Mais s’il s’agit de livres neufs, c’est à partir de 5 000 FCFA. » 
 
Avant même de terminer, Malick reçoit un client. C’est un enseignant de philosophie au lycée. Ils achètent trois ouvrages traitant de la discipline. Pour lui, ces librairies par terre sont une aubaine. Ils lui permettent de se procurer des livres qui entrent dans le cadre de la préparation de ses cours à moindre coût. Il repart tout sourire en promettant à Malick de revenir chercher d’autres ouvrages. La transaction s’est effectuée à hauteur de dix mille, Malick affiche un visage heureux, visiblement content d’avoir fait une bonne affaire. « La journée commence bien. Si les affaires marchent comme ça, je peux rentrer avec 30 mille francs CFA, voire plus. Mais j’atteins rarement cette somme, car les étudiants ne paient pas bien », ajoute-t-il, sourire aux lèvres. Aujourd'hui, Malick gagne bien sa vie avec cette activité. Il parvient à payer la dépense quotidienne, à envoyer ses deux enfants à l’école et à entretenir sa famille.
 
En cette période de concours, ce sont les manuels des sujets traités qui sont les plus prisés par les étudiants.  Papa Diouf vient d’acheter deux fascicules de science de la vie et de la terre (SVT) à 2000 FCFA l’unité. Il est étudiant à la faculté des sciences. Il prépare le concours de la Faculté des sciences de technologie, de l'éducation et de la formation (Fastef). L’étudiant se réjouit de la présence de ces vendeurs de livres à proximité de l’université. « Ils nous sont vraiment d’une grande aide. On est étudiant, nous n’avons pas les moyens d’aller dans les librairies. On trouve ici des livres intéressants et adaptés à nos bourses qui nous aident beaucoup dans nos cours », affirme-t-il tout en feuilletant un des manuels qu’il vient d’acheter.
 
Avec ces librairies par terre qui abondent aujourd’hui, ce sont les étudiants qui se frottent les mains au détriment des librairies classiques qui enregistrent de plus en plus des pertes de clients.

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