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LA VENTE DES MEUBLES ET LA MENUISERIE LOCALE A DAKAR

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Tout au long du canal de Gueule Tapée, et un peu partout à Dakar, des vendeurs de meubles de fabrication locale investissent les lieux. Des meubles de salon, des armoires et des lits garnissent les tentes de fortune sous un vent d’espoir d’un business florissant pour ce secteur de l’artisanat. Malgré cet état de fait, la menuiserie locale vit des moments difficiles.

 

Lundi 8 Juillet, un ciel menacant envahit la capitale dakaroise. Le canal à ciel ouvert servant de conduite des eaux usées vers la mer de Soumbédioune  n’est pas épargné. Il est assailli des deux côtés par deux routes desservant Fann Hock et la Gueule tapée. Sur le côté du canal faisant face à la Gueule Tapée, la présence de tentes de fortune  frappe aux yeux des passants et propriétaires de véhicules qui empruntent cette route allant dans le sens unique de l’avenue Cheikh Anta Diop. Il est 11 heures, sous ces tentes, des lits, des armoires, des meubles de salon et de bureau sont exposés tout au long du canal. En ce matin, c’est le calme plat. Les vendeurs de meubles arrivent à compte-gouttes. Sur la chaussée du canal, les passants essentiellement composés d’étudiants et de travailleurs se disputent le peu qui reste du chemin avec les vendeurs et leurs meubles. Sur la route, le bruit de moteur des véhicules qui passent anime les lieux jouxtant le lycée Technique Maurice Delafosse.

Un business florissant malgré des écueils

A l’approche d’une des nombreuses tentes qui abritent les meubles de fabrication locale, un vendeur répondant au nom de Ibrahima Diakhaby, de taille moyenne, habillé en jean et jacket treillis vert avec le bonnet bien visé sur sa tête, s’active autour du mobilier exposé. Après les salamalecs d’usage, il nous affirme «qu’il y a des clients qui viennent et on a des contacts partout. Si quelqu’un achète, il te recommande un autre. Le matériel est plus résistant  que les meubles importés. Les sénégalais commencent à comprendre cela» Ces affirmations du vendeur laissent planer une certitude que la fabrication locale de meubles est très prisée par la population. Malgré cela, Ibrahima Diakhaby dont il s’agit, note des difficultés dans ce secteur de l’artisanat en révélant « l’existence d’un manque de matériels dû à la cherté du bois. Les choses ont évolué dans la fabrication des meubles, il leur faut de nouveaux matériels pour accéder aux nouvelles techniques comme cela se fait ailleurs. La qualification des ouvriers est là, seuls les matériels manquent ». Pour ce qui concerne l’octroi de parts du marché de la commande publique des meubles par l’état, les vendeurs comme Ibrahima Diakhaby estiment ne pas sentir leur implication dans cette commande promise par les autorités étatiques pour booster l’économie substantielle de ce secteur de l’artisanat. « Nous ne sentons pas notre implication dans cette commande publique qui était tant chantée par les tenants du pouvoir » déclare t-il  

De l’autre côté de la route sise en face du lycée Technique Maurice Delafosse, se trouvent des cars de marque Renault préposés à l’acheminement des meubles vers leurs propriétaires. Ils sont en attente d’un potentiel client. Trouvé sur place à côté de son car porte bagages, un chauffeur âgé d’une trentaine d’années, d’un physique frêle, nous fait part « qu’ils aient des commandes de transport un peu partout et même dans les régions. Des fois ça marche, des fois ça ne marche pas. On a des clients qui apprécient la qualité des meubles et qui nous sollicitent pour le transport». Cependant des problèmes sont notés dans cette activité. «Il arrive qu’ils passent des heures pour faire entrer les meubles dans les maisons á cause leur exiguïté» nous dit Bassirou Ba. « Des fois, il y a la tracasserie sur les routes alors que nous avons tous nos papiers des véhicules » poursuit-il dans un air de dépit.

La menuiserie locale

Autre endroit visité ce mercredi, Nous sommes à Fass sur les deux voies, près de la place de l’obélisque. Des morceaux de bois éparpillés par ci par là, de la sciure partout et quelques clous par endroit avec quelques meubles, des armoires principalement, nous renseignent bien que nous sommes dans une menuiserie à ciel ouvert. Ici, les ateliers se mélangent avec les parkings d’automobiles, vue l’étroitesse des lieux, les menuisiers travaillent même  sur la chaussée, qui est comme une sorte d’impasse parce que barrée pour les besoins des travaux du BRT (Bus Transit Rapide). Un homme répondant au nom d’Abdou, la trentaine révolue, avec un crayon accroché à l’oreille, de commerce facile nous accueille croyant avoir affaire à des clients. Après les salutations d’usage il accepte d’échanger avec nous. Il nous parle d’emblée des difficultés auxquelles il fait face, Bant yombul (le bois est cher),  avant d’enchainer « sunu problème moy bant, sunu matière première, dafa cher te jaffé (ndlr: notre principal problème c’est le bois qui est notre matière première, c’est cher et introuvable). Il a dit l’importation des meubles d’occasion appelés venants (d’Europe principalement) leur fait perdre une bonne part du marché.

Après avoir traversé la place de la nation, on s’est retrouvé à Colobane, derrière le fastfood OKLM (au calme). Sur place on a trouvé deux hommes relativement jeunes, leurs habits tachés de sciures et de colle. L’un Modou 25 ans, coiffé  d’une tignasse en crête (dabala), occupé à faire les dernières retouches sur un lit, « dem lèn guis grand bi (ndlr allez voir le grand) » dit-il. L’autre Pape visiblement plus âgé que Modou, vêtu d’un pull marron et coiffé d’une casquette, était en train d’assembler un placard. Le constat est partout, le principal problème est la cherté du bois et dans une moindre mesure les accessoires. « Bant dafa cher torop affaires yëp yokk vernis, ponte, colle, lëpp (ndlr le bois est cher et tous les prix ont grimpés que ce soit celui du vernis, de la colle, des clous tout) » dit-il. Ici aussi, l’importation des meubles d’occasions fait de l’ombre. « Boppu cogne bu nekk amna ku jaay ay meuble venant (ndlr : les meubles venants se vendent un peu partout) » se désole t-il.

Ainsi la menuiserie locale connaît des perturbations qui plombent son essor malgré l’intérêt des populations.

 

 

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Papa Bocar Mbow

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