Immersion au CIPA de Mbao
Le Centre d’initiation et de perfectionnement agricole de Dakar (CIPA) est une structure du ministère de l’Agriculture qui promeut la formation agricole. Il accueille des apprenants, étudiants et professionnels de l’agriculture, désireux de se former ou se renforcer dans le domaine.
Le portail de la pépinière du service des Eaux et Forêts fait face à l’arrêt des autobus. En prolongeant le mur de la pépinière vers la gauche, on atteint une clôture délabrée et mal formée, celle du Centre d’initiation et de perfectionnement agricole (CIPA). A l’intérieur, un vieux bâtiment se dresse derrière un gros baobab et quelques autres arbres fruitiers. Des indications écrites en blanc sur fond noir ornent les devantures de chaque pièce du bâtiment. Secrétariat, salle des profs, magasin, entre autres, peut-on lire sur le haut de ces portes, qui indiquent qu’il s’agit des locaux de l’administration. A droite, se dressent deux autres édifices, séparés par une petite porte avec des grilles.
Des installations vétustes
Des deux bâtiments, l’un semble être un lieu d’habitation, où l’on peut apercevoir une dame discuter joyeusement avec deux jeunes garçons. Cette enceinte ne fait pas partie de l’école. C’est de l’autre côté que se trouve l'unique salle de classe du centre. Un homme, visiblement dans la cinquantaine, se dresse devant des apprenants de différents âges, assis sur des chaises en caoutchouc. Un réfrigérateur installé derrière la salle, des tables hautes et dispersées, la différence d’âge entre les élèves, tant d’éléments qui distinguent le lieu d’une salle de classe ordinaire.
De part et d’autre de la salle, les fissures sur les murs et la peinture en décomposition sont visibles de loin. Cet état s’explique par la durée de vie des installations de l’établissement. Selon son directeur, le centre date de 1972, donc « plus âgé que la presque totalité des apprenants ». Il déplore par la même occasion l’état dans lequel se trouve le centre, qui est en retard par rapport à l’agriculture moderne. Pour lui, il faut « nécessairement un accompagnement du ministère de tutelle » pour réussir la transition et « garantir une formation adaptée aux réalités actuelles ».
Une production diversifiée
Monsieur Maïga revient sur les matériaux utilisés dans la formation pratique des étudiants. Il prône une modernisation de ce matériel, ce qui influerait de façon positive sur la qualité de formation, mais aussi la production. A l’intérieur du centre, la plus grande partie est aménagée pour recevoir différentes cultures. En faisant le tour du bâtiment de l’administration, on accède à un espace parsemé de plans de menthe.
De l’ordinaire à la menthe sauge, diverses variétés de cette plante aromatique sont cultivées ici. C’est Serigne Moustapha Sène, un des jeunes en formation, qui donne les détails des productions. Appelé par le diminutif de son prénom Tapha, il fait des va et vient entre un bassin d’eau au milieu des plantations et les différents plans, avec un arrosoir à chaque main. Il cache son teint basané sous un Tenngaade (ndlr chapeau traditionnel fait de paille), qui rend presque invisible ses lunettes pour myope. « Ici, on fait dans la culture maraîchère, les arbres fruitiers et les ornementaux. Nous sommes dans la partie réservée à la culture maraîchère, et là ce sont les menthes », explique-t-il, le débit lent et nonchalant.
Avec une taille qui dépasse le mètre 90, le jeune homme passe par-dessus les plans à grandes enjambées, et se constitue en guide pour nous faire le tour du domaine. C’est de l’autre côté, en face des plantations de menthe, que se trouvent les autres produits maraîchers. Laitue, concombre, salade, ou encore poivron, les cultures sont semées par rangées d’un mètre de largeur, pour dix de longueur.
Un petit tableau est planté devant chacun de ces rectangles, où il est marqué le nom du produit cultivé. Du même côté mais plus près de la porte d’entrée, c’est l’espace réservé aux plantes ornementales. La vue est exquise de ce côté, du fait des couleurs vives que reflètent les fleurs qui s’étendent à perte de vue. Le vert des feuilles forme un joli arrière-plan, pour donner un éclat rayonnant aux couleurs jaune et rouge des fleurs. Tapha précise les noms scientifiques et imbitables de ces fleurs, en pointant du doigt les plantes, le visage grave.
Les baana-baana, les principaux clients
Ces plantes ornementales sont aussi exposées à l’extérieur, de l’autre côté de la route, sur le trottoir même. Elles sont achetées la plupart du temps par des « habitants de toute la capitale, surtout de la ville (centre-ville). Ils viennent avec leur voiture le week-end souvent, et font leur choix parmi ce qui est disponible », confie Abdoulaye Touré, le camarade de Tapha. Diplômé de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis en Agroalimentaire, il est trouvé accroupi au bord d’un plan d’oignons, en train de le désherber, les mains nues.
Selon les deux étudiants, la production qui ressort du centre est écoulée dans les différents marchés de la capitale, à travers des revendeurs. Ces derniers achètent sur place et par plans, pour ensuite distribuer dans tout Dakar. Abdoulaye Touré précise : « nous vendons le plan de menthe à 15mille francs. Mais cela peut monter jusqu’au double en période hivernale ».
Il en est de même pour les autres produits maraîchers tels la salade ou le concombre. Ils sont vendus par plans, et le client « une fois qu’il paye, peut faire la récolte en plusieurs fois, dépendamment de la vitesse d’écoulement du produit », selon Tapha.
Une aide pour l’insertion professionnelle
A côté de ces cultures ornementale et maraîchère, la culture fruitière ne se vend presque pas, car étant principalement expérimentale. Ce sont les singes de la forêt classée de la zone qui y trouvent leur compte. Ils ne se gênent pas de cueillir de la papaye ou de la sapotille, au vu des gens présents autour, dans un air dédaigneux et provocateur. « Du moment qu’ils ne touchent pas ces plans de menthe, moi cela me va » lance Abdoulaye Touré, en continuant son désherbage tout sourire.
Ces plans, ce sont les leurs, les apprenants qui ont terminé leur formation cette année. Comme chaque cohorte, ils se sont constitués en Groupement d’intérêts économiques (GIE), pour exploiter une partie de l’aire du centre. C’est l’administration qui leur octroie l’espace et les aide à avoir un « début dans le monde professionnel une fois leur formation terminée », déclare le Directeur, Monsieur Maïga.
« Nous exploitons cette partie de l’école depuis maintenant trois mois. Nous sommes onze personnes au total à bénéficier de ce projet, et cela nous aide beaucoup du point de vue économique », confie Tapha sous son Tenngaade.
Le CIPA de Dakar soutient ses apprenants en leur offrant après leur formation, une opportunité de pratiquer une activité à leur compte une année durant. De plus, il travaille avec des partenaires qui les sollicitent en cas de besoin de personnel. Néanmoins, ces possibilités restent insuffisantes pour les diplômés car, disent-ils, les difficultés d’accès aux terres cultivables rendent l’entrepreneuriat presque impossible dans le domaine.