Pressing à Dakar: les propriétaires se frottent les mains malgré un service parfois décrié

Les machines à laver sont entrain de remplacer les lavandières dans les quartiers à Dakar. Outre le changement occasionné des habitudes de certains Sénégalais, le service de pressing constitue une véritable manne financière. Un petit tour d’horizon à Fass Délorme.
Environ midi, le quartier de fass est déjà très animé. À la rue keur Seydi Jamil vers le terrain de foot, c’est l’effervescence. De part et d’autre de la chaussée, hommes et femmes vaquent à leurs occupations à pas haletants. Des enfants jouent au foot en évitant habilement les motos et autres véhicules qui arpentent les ruelles du quartier. À la lisière des HLM de fass et du populeux quartier de delorme se trouve un magasin de pressing, entre un fast-food et un atelier mécanique. La devanture jonchée de machines à laver défectueuses fait face à la grande mosquée, côté nord. À l’intérieur, plusieurs sacs remplis de linge posés pêle-mêle rendent le lieu difficile d’accès. Une dame du nom d’Evelyne Niassy gère ce commerce. « Je reçois beaucoup de clients les week-ends et des fois, je peux faire un chiffre d’affaires assez satisfaisant pour couvrir presque toutes mes charges mensuelles », dit la jeune dame, le visage souriant.
Ce sourire, elle l’a grâce à ses quatre machines à laver entreposées en face d’un meuble qui lui sert de bureau. Sur ce dernier, sont posés des vêtements propres ensachés en attente de récupération et des stylos, des facturiers et une calculette, entre autres objets. L’étroitesse de la place amplifie le ronronnement des machines dans l’indifférence totale de la propriétaire qui valse entre sa table de comptabilité et les machines. Elle s’attelle à y mettre soit du détergent, soit du linge.
Emmitouflée dans un ensemble jogging noir, elle propose différents services à ses clients : le lavage simple à 300 F CFA le kilo, le lavage suivi du séchage à 500 F CFA le kilo ou encore le pressing complet (lavage, séchage et repassage des habits) facturé par pièce. « On est dans un quartier où les gens n’ont pas beaucoup de moyens financiers, mais j’arrive à tirer mon épingle du jeu, et ce, malgré la concurrence », raconte Evelyne.
Economique et rapide
Dans ce pressing, les tarifs sont jugés abordables par certains au regard de la qualité du service. Abdou Rahim Badiane est l’un d’eux. « Le service de pressing est économique et très rapide, contrairement à celui des lavandières qui prend beaucoup plus de temps avant la livraison des habits », explique M. Badiane, venu pour le lessivage de ses habits, fourrés dans des sachets en plastique blancs. « Je paie moins cher pour 10 kg de linge à laver, alors que l’équivalent m’aurait coûté au moins 7.000 F CFA chez nos mamans lavandières », précise le jeune homme, avant de prendre congé.
Magasin de pressing avec beaucoup de linges à Fass
Dans ce quartier populaire, le lavage simple est le service le moins coûteux, conséquemment le plus demandé. Le client récupère ses habits après le lavage pour les faire sécher et repasser au besoin. Ce sont, en général, des étudiants et des étrangers qui viennent majoritairement solliciter le service. Ce type de clients, Mame Diarra Faye Cissé, en reçoit souvent dans son pressing situé non loin du Benteigner de Fass Delorme. Un grand magasin de deux pièces lui sert de lieu de commerce. Interrogée sur son activité, Mme Cissé affirme que les affaires marchent bien.
« J’avoue que les débuts de mois et les week-ends, je ne me plains pas ; mes services sont très sollicités. Cependant, les clients se font rares durant les périodes creuses, c’est-à-dire à partir de la 2ᵉ quinzaine du mois », dit-elle, assise dans son bureau. Dans sa djellaba noire, Mme Cissé, de teint clair, surveille méticuleusement le travail de son employé, dans la deuxième pièce du magasin. Svelte, le jeune homme, est visiblement débordé. Essoufflé, il explique sans dévoiler son identité : « Je me charge de laver et de sécher le linge. C’est un travail éreintant, mais je vis dignement avec ce que l’on me paie ».
Selon Mᵐᵉ Cissé, il y a un autre employé qui se charge de repasser les habits. Ces deux personnes l’aident dans son travail éprouvant, et subsidiairement, mettent à profit leurs compétences pour un service de qualité. « Nous recevons beaucoup de linge. Je m’occupe de la comptabilité et de la gestion et eux, ils se chargent de rendre aux habits leur éclat d’antan. Mine de rien, on peut se faire entre 90.000 et 120.000 francs CFA durant les week-ends », confie-t-elle, plongée dans ses calculs.
Une question de prélavage
Si l’on s’en tient à ces déclarations, les pressings sont bien lucratifs. Nonobstant la concurrence, les propriétaires se font beaucoup d’argent même si certains sceptiques rechignent à faire appel à leurs services. Lamine Diallo, un jeune d’une vingtaine d’années, trouve que les pressings ne doivent pas laver les habits d’un musulman. Gérant d’un point Wave, à une dizaine de mètres de là, il estime que les gens sont mus par une certaine facilité.
« Les femmes ne veulent plus faire les tâches ménagères, surtout le linge. C’est ce qui explique cette ruée vers les pressings », déplore-t-il, la mine dépitée. Vêtu d’un costume africain bleu marine, Lamine savoure sa tasse de café devant la porte de son commerce. D’une voix tremblotante, il dénonce le fait que les machines ne font pas le « xaayu » des habits, c’est-à-dire le prélavage. « En tant que musulman, je tiens très particulièrement à cette pratique. Elle permet d’enlever d’éventuelles souillures des habits afin de pouvoir prier avec », conclut le jeune homme.
D’autres griefs sont également soulevés par certains clients. Le commerçant Sellou Ba, par exemple, est dubitatif sur la capacité de ces machines à rendre la lessive propre. « À deux reprises, j’ai emmené mes habits au pressing et ils me sont revenus avec des taches. Le pire, des fois, on me rend des vêtements qui ne m’appartiennent pas », se désole-t-il.
