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Toorobe Institut, immersion dans une boutique de disques vinyle

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Derrière le restaurant de l’Institut français de Dakar, se dissimule une boutique unique en son genre. Cette boutique, loin du décor habituel, nous transporte dans des époques révolues grâce à sa spécialité : la vente de disques vinyles anciens.

En s’approchant, un polychrome de couleurs attire l’attention. Devant la boutique, une table en bois expose des disques et une inscription sur la devanture annonce : « We love music, nous aimons la musique ». Le décor est planté.

En entrant, on plonge instantanément dans un univers où la musique reprend vie sur des vinyles. Une douce mélodie résonne dans l’air, évoquant une époque lointaine : « Chérie coco » de Star Band de Dakar. Elle est jouée sur un magnétophone noir, qui enveloppe l’ambiance d’un charme rétro. Les murs de la boutique sont tapissés de pochettes d’albums et de disques célèbres.

Ces derniers sont soigneusement rangés sur des étagères en bois superposées de couleurs bleues.  Sur les pochettes, les noms de chansons, d’album ou d’artistes sont écrits en gros caractères : ORCHESTRA BAOBAB, WASIS DIOP, SORY KANDIA KOUYATÉ etc. Tous les genres et styles musicaux sont bien représentés dans la collection allant du Mbalax aux mélodies occidentales. Des pagnes en wax chamarrées de motifs décorent le plafond, ajoutant une touche artistique aux lieux.

Le maître des lieux, c’est Assane Kane. Il gère Toorobe institut, une boutique spécialisée dans les vinyles depuis plus de 20 ans. Sa passion, il en a fait un business. Collectionneur de disques rares, Assane vend des disques qu’on ne retrouve presque plus sur le marché actuel. Ce passionné de musique rétro a dédié sa vie à la préservation des disques vinyles, de quoi se faire de bonnes affaires. 

La cinquantaine, habillé d’un pantalon bleu délavé par la force du temps, T-shirt marron, sandales aux pieds, Assane est assis devant sa boutique. Cigarette à la main, il partage ses débuts. « Je vends des disques depuis 1997. N’ayant pas fait d’études, j’ai transformé ma passion en métier. Je ne suis pas le seul dans ce cas », déclare-t-il. Chez Assane, la diversité est de mise. « Mes disques sont variés, vous pouvez retrouver des musiques d’artistes lusophones, anglophones, francophones », explique le cinquantenaire tout en mouvement pour présenter sa collection. Il poursuit : « je peux dire qu’il y a toutes les musiques du monde dans ma boutique sauf les musiques asiatiques mais j’en trouve de temps en temps ».

« Ceux qui comprennent vraiment la musique ne l’écoutent pas sur des téléphones »

Un voyage dans le temps et dans l’espace c’est ce qu’Assane veut offrir aux passionnés de la musique classique. A travers ses différentes variétés de disques, chaque coin de cette boutique raconte une histoire, chaque disque une époque.  La boutique constitue un véritable sanctuaire pour les amoureux de la musique d’époque. Certains artistes ont la faveur des mélomanes. « Les nombreuses personnes qui viennent ici me demandent des disques des groupes comme Orchestra Baobab ou Star Band de Dakar, la musique sénégalaise des années 70 jusqu’aux années 80 est très recherchée par mes clients, certains en commandent depuis l’extérieur beaucoup de touristes passent ici quand ils viennent en vacances », affirme-t-il.

Sur les lieux, la clientèle se fait rare. « D'habitude, il y a des dizaines de clients à cette heure-ci de la journée pendant le weekend. C’est parce qu’aujourd’hui c’est un jour ouvrable qu’il n’y a quasiment pas de clients mais le samedi ou en période de vacances des dizaines de personnes font pratiquement un tour à la boutique et la plupart ils commandent en ligne, achètent puis se font livrer et « Ndakh mi » et « Guedju Ndayane » sont très recherchés par les clients. Ils prennent du plaisir à écouter ces chansons parce qu’il y avait de la qualité »

Dans cette boutique, la qualité a un prix et les disques sont proposés à des tarifs élevés offrant la possibilité aux amateurs de disques classiques de posséder des pièces uniques de l’histoire musicale avec des prix pouvant aller jusqu’à 200.000 FCFA. Face à cette cherté, il explique : « les disques authentiques ne sont pas faciles à trouver, on réédite les disques et la plupart des disques que vous trouverez sur les marchés sont des copies. Les originaux sont détenus par les anciens collectionneurs. C’est le vintage qui est authentique, d’où le prix élevé ».

Face à la résurgence des vieux disques et la montée en puissance des différentes plateformes musicales Assane se veut conservateur : « Ceux qui comprennent vraiment la musique ne l’écoutent pas sur des téléphones », dit-il avec regret. « Ils écoutent juste pour un moment et passent à autre chose. Un vrai passionné conserve un support physique toute sa vie. Parfois, j’essaie d’acheter des collections pour les revendre, mais il faut négocier car les propriétaires tiennent à leurs biens, qui sont des patrimoines. Certains posent même des conditions pour s’assurer que leurs disques ne finissent pas mal. Cela montre à quel point les véritables passionnés de musique attachent de l’importance à leurs trésors », ajoute Assane.

« …C’est une véritable connexion avec le passé »

Des passionnés de musique classique, il en reste et on les retrouve souvent dans les disquaires comme Toorobe institut à la recherche de ces joyaux musicaux. Nicole, une jeune touriste franco-polonaise partage son amour pour les disques. Elle raconte fièrement avec de la nostalgie qui se dégage de ses yeux bleus : « Mon père collectionnait des disques et il venait souvent au Sénégal. C’est à travers lui que j’ai découvert la musique sénégalaise de la vieille époque et j’en suis tombée amoureuse. Donc, à chaque fois que je passe au Sénégal, je viens ici à Toorobe pour me procurer un vinyle. J’ai découvert la boutique par le biais d’un ami ». Elle ajoute : « La musique classique a une âme unique, une authenticité que l’on ne retrouve plus aujourd’hui. C’est une véritable connexion avec le passé, et je pense qu’il est crucial de préserver ces œuvres pour les générations futures ».

Meissa, la quarantaine, est vêtue d’un jean, d’une chemise et d’une torpédo, créant ainsi une allure rétro qui correspond parfaitement à son style et à son amour pour la musique classique. Il confie qu’il organise souvent des soirées rétro avec ses amis et vient à Toorobe Institut pour se procurer des disques.  :« J’ai toujours été passionné par la musique vintage. Organiser des soirées rétro me permet de partager cette passion avec mes amis et de revivre l’ambiance des époques passées. Chez Assane, mon ami, je trouve toujours des vinyles qui ajoutent une touche spéciale à nos événements. C’est un lieu où l’on peut vraiment sentir l’âme et l’histoire de la musique ».

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Hawa Haby Thiam

Je m’appelle Hawa Haby Thiam, étudiante en troisième année de journalisme au CESTI. Passionnée par la culture et les médias, je m’intéresse particulièrement aux sujets culturels, environnementaux et sociétaux.

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