A la gare de Diamniadio, les conducteurs de moto-taxis peinent à se mettre à jour

Le « Jub Jubal Jubanti » semble être le carburant des nouvelles autorités. Une situation qui touche beaucoup de secteurs sénégalais. Dernièrement, ce sont les conducteurs de motos qui se sont fait rattraper par la loi.
À la gare de Diamniadio, c’est une journée comme les autres. Situé à quelques kilomètres des sphères ministérielles, le dernier arrêt du Train Express Régional (TER) fait face au domaine industriel. À quelques pas de la gare, sont stationnées une vingtaine de motos, bien alignées.
Toutes les 10 minutes, le train vomit des clients. Quelques-uns prennent les bus Dem Dikk pour continuer leur parcours, d’autres marchent un peu plus loin pour prendre les « tiak tiak ». En attendant l’arrivée des clients, les conducteurs échangent entre eux. Parmi eux, un jeune homme corpulent. Concentré sur son téléphone, celui que l’on nomme Pape Diop ne semble pas beaucoup prêter attention à son environnement.
Habillé modestement, des écouteurs aux oreilles, Pape fréquente les lieux depuis des années. « Je travaille ici depuis 2019, alors qu’il n’y avait pas beaucoup de monde. Il y avait juste quelques chantiers, sinon c’était le désert », confie-t-il en pointant du doigt les bâtiments. « Mais maintenant, comme vous le constatez, c’est devenu un lieu fréquentable, même des Guinéens viennent bosser ici maintenant », plaisante-t-il en tapant sur les épaules de son ami étranger assis juste à côté de lui. Ce qui conduit à un fou rire autour de lui.
Au même moment, quelques clients arrivent pour prendre des motos. Ceux qui se trouvent devant la rangée vont à la rencontre des clients. Pendant ce temps, la discussion continue. À la question sur la réglementation annoncée des deux roues, le visage de notre ami se métamorphose. Il s’inquiète pour sa situation et pour beaucoup de ses collègues. Même s’il trouve qu’au fond, l’État est animé de bonne volonté. « Je pense que c’est une bonne chose que les autorités veuillent la régularisation des deux roues. Mais cela ne se fera pas en trois mois, je vous le dis tout de suite. Le délai est trop court », commence-t-il.
Le visage crispé, il continue : « J’ai acheté une moto de seconde main. J’ai avec moi l’acte de vente et le CMC (Certificat de mise à la consommation), mais le problème est que celui-ci est enregistré sous un autre nom. Et je ne sais pas où trouver la personne en question. Sans cela, je ne peux pas me faire enregistrer au Service des Mines. » Une situation que semblent vivre beaucoup de motards en ce moment.
Chauffeur de « clando »
À côté de lui, Sadoulaye Diallo semble beaucoup plus calme face à cette situation. Un peu plus jeune, le Guinéen semble ne pas trop s’inquiéter, même s’il n’est pas non plus en règle. Le casque sur la tête, celui qu’on surnomme Killa salue l’initiative et pense que cela ne leur sera que bénéfique. « Pour ma part, j’ai obtenu mon permis de conduire depuis longtemps. Avant de venir ici, j’étais chauffeur de « clando ». Actuellement, je conduis la moto d’un ami. Je lui verse tous les jours 2.500 francs. C’est lui qui va se charger de trouver la carte grise et la plaque », dit-il d’un air décontracté.
Une humeur que semble comprendre Pape Diop, « ce gosse n’a aucune charge qui pèse sur lui, il peut raisonner ainsi. Récemment, le capitaine de la gendarmerie du Pôle urbain est venu jusqu’ici pour nous aviser. Au-delà du délai de trois mois, celui qui n’est pas en règle ne pourra plus travailler ici, rapelle-t-il » L’air désespéré, Pape continue : « Il ne reste plus qu’un mois, mais rien n’a encore changé ». Il semble avoir perdu sa fougue d’il y a quelques minutes. Une situation partagée tous ses collègues autour de lui.
Quant à Moustapha, mécanicien travaillant à temps partiel à la gare, estime que le problème se trouve ailleurs. Il ne comprend pas que l’on puisse mettre un numéro vert payant rien que pour obtenir une rencontre. Le jeune homme a du mal à se trouver un rendez-vous. « Tous les soirs, ou presque, j’appelle le numéro vert qu’ils ont mis à disposition pour me trouver un rendez-vous. L’autre jour, j’ai dépensé 2000 francs de crédit sans succès » s’indigne-t-il. Autre problème, selon lui, «les policiers ne respectent même pas le délai. On nous demande de nous régulariser durant ces trois mois, mais ils nous arrêtent quand même pour nous demander les papiers. L’autre jour, j’ai payé 6000 francs pour faire libérer ma moto ».
Pour faire face à cette situation, les avis divergent. Si certains demandent la clémence des autorités routières, d’autres à l’image de Pape Diop, pensent à l’allongement du délai. Moustapha, qui ne peut plus espérer grand-chose est d’avis que « la solution est simple : vendre la moto et embarquer dans une pirogue, barça rek ou barsax ».
