La plage de Soumbedioune, un paradis insalubre

La plage de Soumbedioune située entre l’Hôtel Terru Bi, la Cour suprême et le parc d'attractions Magic Land est connue pour ses vendeurs de poissons grillés. C’est un lieu très prisé par les plus jeunes des localités environnantes pour la baignade. Malgré les avantages qu’offre le lieu, les déchets sont visibles et la santé des personnes est menacée. A l’unanimité, plagistes, maîtres-nageurs et visiteurs trouvent la situation alarmante.
Une plage animée mais envahie par les déchets
« Madame, que voulez-vous ? Du "c’est bon" ou de la grillade de poisson ?), demande un homme de petite taille, vêtu d’un short et d’une chemise aux manches retroussées. Comme beaucoup de ses collègues, Abdoulaye interpelle les passants à l’entrée de la plage, à la recherche de clients.
Nous sommes dimanche. Il est 14 heures. La plage est bondée. Face à la mer, des clients sont installés sur des chaises en plastique, protégés du soleil par des parasols. Certains attendent leur commande, d’autres dégustent déjà leur repas. Sur la gauche, les maîtres-nageurs se sont regroupés dans une cabane. L’un d’eux, les yeux rivés sur son téléphone, surveille en même temps le thé qui chauffe sur un petit fourneau.
Sur la plage, deux Français s’apprêtent à monter à bord d’un petit bateau pour leur cours de plongée. À côté d’eux, deux jeunes filles en tenue de plage, sourire aux lèvres, prennent des vidéos. Derrière Magic Land, de nombreuses personnes se baignent tandis que d’autres, assises en petits groupes sur le rivage, discutent en riant aux éclats. Enfants, jeunes, adultes, tout le monde profite de l’ambiance festive. Des haut-parleurs diffusent du mbalax et du rap.
Un peu plus loin, deux familles sont installées sur des nattes près des rochers. Cette atmosphère conviviale et joyeuse se déroule pourtant au milieu des déchets. Des mouchoirs en papier jonchent le sol. Des gobelets en plastique, des sachets et des bouteilles de jus vides s’accumulent tout au long de la plage. Près du mur du manège de Magic Land, l’odeur des urines se mélange à celle de la grillade de poisson.
Qui pollue cette plage ?
D’après Zall, un employé de restaurant à la silhouette élancée et au teint caramel, les restaurateurs ne sont pas responsables de cette pollution. « À la fin de la journée, nous rassemblons nos déchets et un collecteur les ramasse avec une auto-moto pour les déverser dans un dépôt d’ordures situé à côté », explique-t-il en marinant des poissons.
Cheikh Ahmet Tidiane Diallo, maître-nageur vêtu d’un jean et d’un t-shirt, pointe plutôt du doigt les visiteurs. « Ce sont eux qui jettent leurs déchets à la mer. Ensuite, naturellement, les vagues les ramènent sur la plage », affirme-t-il.
Accusés d’être les principaux pollueurs, les visiteurs rejettent la faute sur les autorités. Selon eux, il est inconcevable qu’aucune poubelle ne soit installée sur la plage. Sans collecteurs de déchets ni personnel de nettoyage, il est impossible de contrôler l’accumulation des ordures. « Il est normal qu’il y ait des déchets dans un lieu aussi fréquenté », estime Khady Ndiaye, venue déguster une grillade de poisson. À peine a-t-elle fini de parler qu’un vendeur lui demande : « Du thé ou du bissap ? »
Des solutions envisagées, mais inefficaces
Face à cette situation, les autorités locales ont tenté d’apporter des solutions. « Des poubelles ont été installées il y a quelques années, mais personne ne venait les vider. Elles ont fini par dégager une odeur nauséabonde, rendant l’air irrespirable », raconte Cheikh Ahmet Tidiane Diallo. De plus, les vendeurs y déversaient aussi leurs déchets, accélérant la fermentation des épluchures et des écailles de poisson.
Pour une solution durable, il est nécessaire d’associer les acteurs de la plage, comme les maîtres-nageurs et les plagistes, à la réflexion. « Nous connaissons cet endroit mieux que quiconque », souligne Cheikh Ahmet Tidiane Diallo.
Abdourahmane Diallo, un jeune de 20 ans, propose d’organiser des journées de nettoyage. « Si tout le monde s’y met, la situation peut évoluer. Même si cela ne suffira pas à éradiquer totalement le problème », reconnaît-il.
Chaque année, à l’occasion de la Journée mondiale de l’environnement, un grand nettoyage est organisé sur la plage. Mais cela ne suffit pas à enrayer le phénomène.
Une insalubrité aux conséquences alarmantes
Cette pollution a un impact direct sur l’écosystème marin. « Les sachets plastiques jetés sur la plage font fuir les poissons », affirme Cheikh Ahmet Tidiane Diallo. Résultat : les poissons se font rares dans cette zone. Les vendeurs sont contraints de s’approvisionner au marché de Soumbédioune à des prix plus élevés, ce qui augmente le coût des plats.
Un client s’adresse à Maty, une restauratrice :« Je voudrais un plat de "c’est bon", celui à 750 F. », « Ce plat ne coûte plus 750 F ou 1 000 F. Le poisson est devenu cher. Désormais, nous vendons à partir de 1 500 F. Pour la grillade, c’est 2 000 F et plus », lui répond-elle.
En plus de l’impact économique, l’insalubrité repousse de nombreux visiteurs et touristes. Yaya Badiane, maître-nageur, affirme que la fréquentation de la plage a considérablement diminué ces dernières années. Conséquence : les vendeurs ont du mal à écouler leurs stocks de poisson.
Modou Mbacké, un père de famille venu avec ses deux filles, est catégorique : « L’odeur des urines est insupportable et nuisible pour la santé. Je ne reviendrai plus ici », déclare-t-il.
Il est 19 heures. Du Youssou Ndour résonne sur la plage et certains visiteurs dansent malgré l’insalubrité des lieux. Le soleil s’apprête à se coucher sur la mer, sous le regard pensif d’un homme en haillons, assis au milieu des ordures. Sans doute un déséquilibré mental…
